Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2021, M. B... A..., représenté par la SCP Yves Richard, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 153 540,25 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2009, en réparation du préjudice résultant de son défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de retraite pour la période allant de 1970 à 1990, dans le cadre des mandats sanitaires qui lui ont été confiés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé s'agissant du calcul de son préjudice ;
- il a droit au remboursement des cotisations dont il aura à s'acquitter à la place de l'Etat, pour la période courant de 1970 au 31 décembre 1989 puis au versement des pensions de retraite au titre de la période courant entre le 1er décembre 2012 (date d'effet de retraite de salarié) et la date du versement par l'Etat de la somme précédente lui permettant de percevoir la pension de retraite correspondante ; il appartient à l'Etat de procéder à la reconstitution de ses salaires versés au titre de ses mandats sanitaires et, à défaut, ce calcul se fera sur la base forfaitaire prévue à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à tout le moins par analogie avec les règles issues de cet article pour la période courant de 1970 à 1984 ; le recours à un calcul forfaitaire est préconisé par une circulaire du 6 mars 2013 et un courrier du secrétaire général du ministère de l'agriculture du 6 août 2012 ; sachant que les opérations de prophylaxie collective et les opérations de police sanitaire ne sont pas inférieures à 90 jours ;
- il y a lieu de prendre en compte dans le calcul de ses droits à indemnisation les revenus qu'il a perçus au titre de son mandat sanitaire exercé avant 1990, alors même que les sommes correspondantes lui ont été versées en 1990 ; ces sommes auraient dû donner lieu à cotisation par l'Etat ;
- il convient de prendre en compte le chiffrage de son préjudice tel qu'il l'avait présenté dès lors qu'il avait été établi selon les modalités de calcul de la CARSAT et de l'IRCANTEC ; l'Etat lui versera en conséquence 153 540,25 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à son mémoire présenté en première instance en l'absence d'arguments nouveaux du requérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- code de la sécurité sociale ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., exerçant alors comme vétérinaire libéral, a été titulaire d'un mandat sanitaire l'habilitant à remplir des missions de santé publique, telles que des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux, sous l'autorité des services de l'Etat, au sens de l'article L. 221-11 alors en vigueur du code rural. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations qui n'ont donné lieu à aucune cotisation aux régimes de retraites gérés par la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et par l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et qui, par suite, n'ont pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à la retraite. Ayant fait valoir ses droits à retraite au titre de son activité libérale à compter du 1er janvier 2005, puis au titre de son activité salariée le 1er décembre 2012, il a sollicité de l'Etat, par un courrier du 17 décembre 2009, l'indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de sa non affiliation au titre des activités qu'il a exercées au bénéfice de mandats sanitaires à compter de 1967. Par un courrier du 18 février 2015, le ministre chargé de l'agriculture lui a communiqué une proposition d'assiette des cotisations, couvrant les années 1985 à 1989, que le requérant a refusé en l'absence d'intégration, dans le calcul de ses droits, des missions effectuées antérieurement à 1985. Le 14 décembre 2015, M. A... a réitéré sa demande d'indemnisation, que le ministre chargé de l'agriculture a refusé de réexaminer par un courrier du 7 juillet 2016, faute pour l'intéressé d'avoir produit de nouvelles pièces justificatives pour les années restant en litige. Par un nouveau courrier du 27 septembre 2016, le ministre en charge de l'agriculture a rejeté la demande de M. A... sollicitant le bénéfice d'une assiette forfaitaire, prévue à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, pour les années 1970 à 1984 pour lesquelles il ne pouvait justifier d'une activité au titre de ses mandats sanitaires.
2. Par un jugement du 11 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 5 214,02 euros, majorée des intérêts au taux légal au titre de l'indemnisation due à ce dernier pour le régime complémentaire de l'IRCANTEC et a renvoyé M. A... devant le ministre de l'agriculture et de l'alimentation afin qu'il soit procédé à la liquidation et au versement des indemnités auxquelles il a droit au titre du régime général de retraite, dans la limite d'un montant total de 148 326,23 euros correspondant à la proposition d'assiette antérieurement formulée par l'administration. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions en écartant, en son point 9, sa demande tendant à bénéficier d'un calcul forfaitaire de ses droits à pension pour la période courant de 1970 à 1984 et en refusant en son point 10 d'intégrer dans le calcul de ses droits à indemnité des sommes qu'il a perçues en 1990 au titre de ses activités effectuées au bénéfice de ses mandats sanitaires à une période antérieure.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. M. A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte son propre chiffrage de son préjudice. Il ressort toutefois du point 11 du jugement attaqué que les premiers juges ont explicitement écarté cette demande aux motifs que M. A... n'avait pas transmis de documents probant émanant des organismes de retraite compétents et que ses calculs étaient contredits pas les autres documents produits par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier en l'absence d'une motivation suffisante.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En vertu des dispositions de l'article 215-8 du code rural issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, reprises jusqu'à l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 relative à la modernisation des missions des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, puis, en substance, à l'article L. 203-11 de ce code : " [Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire] sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale. Ces dispositions sont applicables à compter du 1erjanvier 1990 ". Jusqu'à cette date, les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat. A ce titre, l'Etat avait l'obligation, dès la date de prise de fonction, d'assurer leur immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) en application des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie.
5. En premier lieu, M. A... demande à être indemnisé de la perte des droits à pension nés de ses activités exercées de 1970 à 1984 au titre de ses mandats sanitaires. Il soutient que la responsabilité de l'Etat est engagée, alors même qu'il ne dispose plus des preuves de l'exercice de ses activités à cette période, par référence au dispositif de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale qui permet la prise en compte d'une assiette forfaitaire pour le calcul des cotisations. Cependant, s'il n'est pas contesté que M. A... a bénéficié de mandats sanitaires sur cette période, il n'est nullement établi par l'instruction qu'il aurait, dans ce cadre, effectué des missions rémunérées de santé publique sous l'autorité des services de l'Etat qui ouvriraient droit à cotisations et à pension de retraite, alors que la seule détention d'un mandat sanitaire n'emportait pas, par elle-même, la réalisation d'actes à ce titre. Par suite, la demande indemnitaire présentée par M. A... pour ces années ne peut qu'être rejetée.
6. En deuxième lieu, M. A... soutient qu'il convient d'intégrer dans le calcul de ses droits à indemnisation les sommes qui lui ont été versées en 1990 en rémunération des activités de service public qu'il a assumées pour l'Etat dès lors qu'elles l'ont été avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 qui assimile ces revenus à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale à compter du 1er janvier 1990. Il résulte cependant des dispositions issues de l'article 10 de cette loi que l'ensemble des rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison d'un mandat sanitaire doivent être assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il y a lieu d'intégrer à l'assiette de calcul de ses indemnités les rémunérations versées à compter du 1er janvier 1990 à raison d'activités réalisées antérieurement à cette date.
7. En troisième lieu, le jugement attaqué renvoie M. A... devant le ministre de l'agriculture et de l'alimentation afin qu'il soit procédé à la liquidation et au versement des indemnités auxquelles il a droit au titre du régime général de retraite dans la limite d'un montant total de 148 326,23 euros et met à la charge de l'Etat la somme de 5 214,02 euros au titre des cotisations et du différentiel de pension du régime de retraite complémentaire. Si l'intéressé soutient qu'il n'y a pas lieu de s'écarter du chiffrage de ses demandes, qu'il affirme avoir établies " selon les modalités de calcul de la CARSAT et de l'IRCANTEC ", il ne peut être fait droit à celles-ci dès lors d'une part que les calculs proposés, contestés en défense, ne sont pas corroborés par des documents émanant de la CARSAT et, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été exposé aux points 5 et 6 que ses prétentions ne sauraient être entièrement satisfaites. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait être indemnisé au-delà de la somme allouée par les premiers juges.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que M. A... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. A....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01004