Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 décembre 2019, 26 décembre 2019 et 14 mars 2020, la commune de Langouët, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande du préfet d'Ille-et-Vilaine présentée à ce tribunal ;
3°) subsidiairement de surseoir à statuer et de transmettre :
- à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à l'application de l'article 12 de la directive n° 2009/128/CE du 21 octobre 2009 et 3 du règlement du parlement et du conseil n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 ;
- au Conseil d'Etat une demande d'avis relative au pouvoir de police sanitaire des maires au regard des articles L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et L. 1311-2 du code de la santé publique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la préfète ne contestait pas l'ensemble des fondements de l'arrêté ;
- le maire était compétent au regard des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour prendre l'arrêté déféré, provisoire, compte-tenu des insuffisances de la réglementation nationale pour assurer la protection des riverains ; il pouvait également intervenir sur le seul fondement des articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique pour les mêmes motifs et au regard de la réglementation locale ;
- subsidiairement, la Cour de justice de l'Union européenne sera saisie de la question suivante : En cas de carence avérée d'un Etat membre pour promulguer sur toute l'étendue du territoire national les mesures concrètes de protection des personnes vulnérables exigées par les articles 12 de la directive n° 2009/128/CE du 21 octobre 2009 et 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, les principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union emportent-ils le droit et/ou le devoir pour toute autorité locale disposant d'un pouvoir de police sanitaire, de prendre, sur l'étendue de sa compétence territoriale, des mesures, au moins provisoires, de protection des personnes vulnérables au sens des textes précités ' ;
- subsidiairement, le Conseil d'Etat sera saisi sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative de la demande d'avis suivante : Les restrictions apportées dans certaines matières par les arrêts des 26 octobre 2011 (326492, Commune de Saint-Denis), 24 septembre 2012 (n°342990, Commune de Valence), et 11 juillet 2019 (n°426060, Commune de Cast), au pouvoir de police sanitaire que les maires tirent notamment des dispositions des articles L. 2221-2 du code général des collectivités territoriales et L. 1311-2 du code de la santé publique, trouvent-elles à s'appliquer dans d'autres matières régies par le droit de l'Union européenne quand l'Etat ou ses représentants n'exercent pas leurs pouvoirs de police spéciale dans la matière concernée ' Plus particulièrement, en matière d'utilisation des produits phytopharmaceutiques, au sujet de laquelle le Conseil d'Etat a constaté dans son arrêt du 26 juin 2019 (n°415426 et 415431, Associations générations Futures et Eau et Rivières de Bretagne) la carence de l'Etat dans la protection des riverains des zones traitées, les maires peuvent-ils faire usage de leurs pouvoirs de police sanitaire, au moins, à titre provisoire, dans l'attente que les ministres concernés défèrent à l'injonction qui leur a été donnée, sans astreinte, par cet arrêt ' ;
- en tout état de cause, le principe de précaution, à valeur constitutionnelle, ne peut conduire qu'à écarter l'exigence de l'existence d'un danger ou d'un péril imminent en matière d'environnement ou de santé au profit de la seule démonstration du risque d'un tel danger ou péril ; un tel risque est démontré en l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2020, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Langouët ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 31 juillet 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation indique qu'il ne produira pas d'observation.
Vu l'ordonnance n° 19NT04981 du 11 février 2020 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à la commune de Langouët par l'ordonnance du 4 octobre 2019 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Constitution et notamment son préambule ;
- la Charte de l'environnement ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive n° 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Langouët par Me B..., a été enregistrée le 2 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 mai 2019, le maire de Langouët a restreint l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire de la commune, en les interdisant notamment " à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel ", et en réduisant cette distance à 100 mètres dans certains autres cas. Par un recours gracieux du 27 mai 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine a demandé au maire de retirer cet arrêté. Par une lettre du 20 juin 2019, le maire de Langouët a rejeté ce recours gracieux. La préfète d'Ille-et-Vilaine a alors déféré cet arrêté municipal du 18 mai 2019 et la décision de rejet de son recours gracieux devant le tribunal administratif de Rennes. A titre reconventionnel, la commune de Langouët a alors demandé l'annulation de l'arrêté préfectoral n° 2017-12859 du 11 août 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine fixant les mesures destinées à préserver les établissements fréquentés par des personnes vulnérables du risque d'exposition aux produits phytopharmaceutiques. Par un jugement du 25 octobre 2019, dont la commune de Langouët relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du maire de Langouët du 18 mai 2019 et a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la commune.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La commune soutient que le jugement attaqué ne répond pas à son argument tiré de ce que, dans son déféré, la préfète d'Ille-et-Vilaine ne critique pas l'ensemble des fondements de l'arrêté du maire de Langouët qu'elle conteste. Toutefois, d'une part, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des parties et, d'autre part, le jugement indique avec suffisamment de précision en son point 4, en retenant le moyen soulevé par la représentante de l'Etat dans le département, les motifs pour lesquels l'arrêté déféré est entaché d'incompétence de son auteur. Par suite, la commune de Langouët n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier en l'absence d'une motivation suffisante.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- (...) l'autorité administrative peut, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. Elle en informe sans délai le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. / L'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment : / 1° Sans préjudice des mesures prévues à l'article L. 253-7-1, les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ; / 2° Les zones protégées mentionnées à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; / 3° Les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l'article L. 414-1 du code de l'environnement ; / 4° Les zones récemment traitées utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder. / L'autorité administrative peut aussi prendre des mesures pour encadrer : / 1° Les conditions de stockage, de manipulation, de dilution et de mélange avant application des produits phytopharmaceutiques ; / 2° Les modalités de manipulation, d'élimination et de récupération des déchets issus de ces produits ; / 3° Les modalités de nettoyage du matériel utilisé ; / 4° Les dispositifs et techniques appropriés à mettre en oeuvre lors de l'utilisation des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code pour éviter leur entraînement hors de la parcelle (...) ". L'article L. 253-7-1 du même code prévoit que : " A l'exclusion des produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l'autorité administrative : / 1° L'utilisation des produits mentionnés à l'article L. 253-1 est interdite dans les cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, des haltes-garderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ; / 2° L'utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 à proximité des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi qu'à proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave est subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, l'autorité administrative détermine une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux. / En cas de nouvelle construction d'un établissement mentionné au présent article à proximité d'exploitations agricoles, le porteur de projet prend en compte la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique. / Les conditions d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. ".
4. L'article R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime précise que : " L'autorité administrative mentionnée à l'article L. 253-7 est le ministre chargé de l'agriculture. / Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l'article L. 253-7 concernent l'utilisation et la détention de produits visés à l'article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation. ". L'article D. 253-45-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " L'autorité administrative mentionnée au premier alinéa de l'article L. 253-7-1 est le ministre chargé de l'agriculture. / L'autorité administrative mentionnée au troisième alinéa du même article est le préfet du département dans lequel a lieu l'utilisation des produits définis à l'article L. 253-1. ". Enfin, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime : " En cas de risque exceptionnel et justifié, l'utilisation des produits peut être restreinte ou interdite par arrêté préfectoral. Cet arrêté motivé doit préciser les produits, les zones et les périodes concernés ainsi que les restrictions ou interdictions d'utilisation prescrites. Il doit être soumis dans les plus brefs délais à l'approbation du ministre chargé de l'agriculture ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2122-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de l'exercice des pouvoirs de police, dans les conditions prévues aux articles L. 2212-1 et suivants. ". Aux termes de l'article L. 2212-1 du même code : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". L'article L. 2212-2 du même code précise que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". L'article L. 2212-4 de ce code prévoit que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prises. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière (...) d'exercice d'activités non soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement / (...) de lutte contre les nuisances sonores et la pollution atmosphérique (...) " et aux termes de l'article L. 1311-2 du même code : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l'Etat comme il a été dit au point 5 et dont l'objet est, conformément au droit de l'Union européenne, d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l'environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l'état des connaissances scientifiques, incertains. Les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'une procédure d'autorisation de mise sur le marché, délivrée par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail s'il est démontré, à l'issue d'une évaluation indépendante, que ces produits n'ont pas d'effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine. Il appartient ensuite au ministre chargé de l'agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la consommation, éclairés par l'avis scientifique de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, de prendre les mesures d'interdiction ou de limitation de l'utilisation de ces produits qui s'avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables. L'autorité préfectorale est également chargée, au niveau local et dans le cadre fixé au niveau national, d'une part, de fixer les distances minimales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables, d'autre part, d'approuver les chartes d'engagements d'utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d'utilisation des produits et, enfin, en cas de risque exceptionnel et justifié, de prendre toute mesure d'interdiction ou de restriction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l'environnement, avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l'agriculture. Dans ces conditions, si d'une part, les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, et d'autre part, les articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique lui donnent une compétence en matière de protection de la santé publique, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre.
7. En premier lieu, au cas d'espèce, le maire de la commune de Langouët a interdit 1'utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire de sa commune " à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel ", et a réduit cette distance à 100 mètres dans divers autres cas, pour une durée indéterminée. Or, à la date d'intervention de l'arrêté contesté, il existait une réglementation départementale, édictée par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 11 août 2017 régissant les conditions d'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques, et nationale qui devait être renforcée à brève échéance en application de la décision n° 415426 du 26 juin 2019 du Conseil d'Etat annulant seulement partiellement l'arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants. Le maire de Langouët a ainsi édicté des mesures réglementaires à caractère général de nature à porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale des produits phytopharmaceutiques conférés aux seules autorités de l'Etat par les dispositions citées aux points 3 et 4 du présent arrêt.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Il résulte de ces dispositions que le principe de précaution, s'il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d'attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions. Ces dispositions n'ont ainsi pas pour objet ou pour effet de modifier au cas d'espèce la désignation de l'autorité en charge de la police spéciale des produits phytopharmaceutiques telle qu'elle résulte des dispositions législatives et réglementaires citées.
9. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 7 que les motifs invoqués par le maire de Langouët pour adopter l'arrêté contesté ne peuvent légalement fonder sa compétence.
10. Dans ces conditions, eu égard à ce qui est exposé au point 6 sur l'existence d'une police spéciale des produits phytopharmaceutiques confiée à l'Etat, le moyen tiré de l'incompétence du maire de Langouët à prendre l'arrêté contesté est de nature à fonder son annulation.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ou le Conseil d'Etat d'une demande d'avis, que la commune de Langouët n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 18 mai 2019 de son maire portant réglementation de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire de cette commune et la décision du 20 juin 2019 rejetant le recours gracieux formé par la préfète d'Ille-et-Vilaine contre cet arrêté.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Langouët.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Langouët est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Langouët et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Une copie en sera adressée à la préfète de l'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT04981