3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 48 heures ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités allemandes :
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors que l'information prévue par ces dispositions lui a été transmise tardivement à la fin de l'entretien et non en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues, l'agent ne l'ayant pas suffisamment interrogé, ce qui démontre qu'il n'est pas un agent qualifié ; la décision qui mentionne qu'aucune pièce ne prouve qu'une mesure d'éloignement allemande n'a été prise à son encontre, est entachée d'erreur de fait ;
- il n'y a pas eu d'examen du risque de renvoi par ricochet dans son pays d'origine et des risques encourus en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; il existe une situation de violences généralisées en Erythrée ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il est particulièrement vulnérable en raison de son état de santé et en raison de son statut de demandeur d'asile ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- la décision est entachée des mêmes vices de légalité externe que la décision de transfert auprès des autorités allemandes ;
- le signataire de la décision est incompétent ;
- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est pas établi que les perspectives d'éloignement seraient raisonnables, notamment eu égard au contexte sanitaire ;
- la décision n'est ni justifiée ni proportionnée et méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le délai de réadmission de M. C... vers l'Allemagne a été reporté jusqu'au avril 2021 ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant érythréen né en mai 1994, est entré en France en mars 2020. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 20 août 2020 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par une décision du 15 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique. M. C... relève appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 septembre 2020.
Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne le transfert aux autorités allemandes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a reçu, le 20 août 2020 à l'occasion de l'entretien, les informations prévues par les dispositions précitées, dès lors qu'il s'est vu délivrer le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée : " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en tigré, langue qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
6. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. C... qu'il a bénéficié le 20 août 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue tigré que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Il n'est pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".
8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dosser que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. C... et des conséquences de sa réadmission en Allemagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et des risques encourus en cas de transfert dans ce pays, le préfet ayant relevé que l'intéressé n'établissait pas de risque personnel en Allemagne et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé serait sous le coup d'une mesure d'éloignement exécutoire en Allemagne.
9. D'autre part, M. C... ne produit aucun document de nature médicale susceptible d'établir que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. D'autre part, l'arrêté litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer l'intéressé dans son pays d'origine mais seulement en Allemagne. Si M. C... soutient qu'il a fait l'objet dans ce pays d'une mesure d'éloignement définitive, il se borne à produire un courrier d'un avocat allemand lui indiquant que le tribunal administratif a rejeté sa demande et qu'il peut introduire un recours contre le jugement du tribunal administratif. Dans ces conditions, et alors que l'erreur de fait entachant la décision de transfert n'apparait dès lors pas établie, il ne ressort d'aucune pièce du dossier ni qu'il ne puisse contester une éventuelle mesure d'éloignement ni qu'il ne puisse faire valoir tout nouvel élément concernant sa situation ni que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir qu'il existerait un risque certain de renvoi dans son pays d'origine où il soutient être exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur le bien-fondé du jugement en ce qui concerne le transfert aux autorités allemandes :
10. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ". Par ailleurs, l'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'exception d'illégalité de l'arrêté portant transfert vers l'Allemagne ne peut qu'être écartée.
12. En deuxième lieu, le moyen selon lequel la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente est écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
13. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 sont sans incidence à l'encontre de la décision portant assignation à résidence de M. C....
14. En quatrième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. C... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'exécution de l'éloignement de M. C..., demeurait, à la date de la décision contestée en cause, une perspective raisonnable. D'autre part, l'arrêté qui prévoit une obligation de se présenter une fois par semaine tous les jeudis sauf les jours fériés, alors que M. C... n'apporte aucun élément sur sa situation qui s'opposerait à ces modalités de pointage ne constitue pas, eu égard aux buts en vue desquels il a été pris, une atteinte excessive à la liberté d'aller et de venir de l'intéressé. Le moyen, énoncé au demeurant dans des termes très généraux, tiré de ce que cet arrêté serait injustifié et présenterait un caractère disproportionné ne peut, par suite, qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 15 septembre 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021
La rapporteure,
M. D...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT04062