Par un arrêt n°13NT01435 du 24 avril 2014 la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement.
Par une décision n°383712 du 9 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 24 avril 2014 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mai 2013 et le 4 novembre 2016, M. C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 24 janvier 2013 ;
2°) d'annuler la décision du 9 janvier 2012 ;
3°) de transmettre, à titre subsidiaire, la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne : " Le droit d'être entendu dans toute procédure, lequel fait partie intégrante du principe fondamental du respect des droits de la défense et est par ailleurs consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit-il être interprété en ce sens qu'il impose à l'administration pénitentiaire, lorsqu'elle saisit l'ordinateur d'un détenu de mettre en mesure l'intéressé de présenter ses observations ' " et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'administration pénitentiaire de lui restituer son ordinateur à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne la veille de l'audience était trop imprécis et ne répondait pas aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit au respect du contradictoire ;
- la décision contestée n'est pas une mesure d'ordre intérieur et est susceptible de recours pour excès de pouvoir dès lors que, d'une part, il a acquis un ordinateur dans un souci d'apprentissage pour un futur métier dans l'informatique et que, d'autre part, la décision de saisie de son ordinateur porte atteinte au droit au travail et à l'instruction, principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et notamment le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ainsi que par les traités et conventions internationaux, et notamment par les articles 6, 7 et 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et par l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 23 et 26 de la déclaration universelle des Droits de l'Homme et les articles 1er et 10 de la Charte sociale européenne ;
- la signature du correspondant local des systèmes d'information est illisible, ne permettant pas de distinguer son nom et son prénom, l'apposition du tampon encreur n'emportant ni signature, ni compétence ;
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;
- la décision contestée n'a jamais été précédée d'un débat pendant lequel il aurait pu présenter ses observations ; elle méconnaît le principe général du droit au respect du contradictoire et les articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- en vertu des articles 57-1 et 76-3 du code de procédure pénale, le contrôle d'un ordinateur ne peut être effectué que dans le cadre d'une perquisition par un officier de police judiciaire, sous le contrôle d'un magistrat de l'ordre judiciaire ; les articles D. 449-1 du code de procédure pénale et 6-1 de la circulaire NOR JUSK094006C en date du 13 octobre 2009 devront être écartés comme contraires aux dispositions législatives, à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 66 de la Constitution ;
- le contrôle de son ordinateur est irrégulier dès lors qu'il a été effectué par des surveillants pénitentiaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens tirés de la méconnaissance de principes généraux du droit de l'Union européenne, de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 sont inopérants ;
- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, et notamment son article 66 ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ratifié par la France le 4 octobre 1981 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
1. Considérant que le 9 janvier 2012, à la suite d'une fouille de la cellule de M. C...dans le cadre de la recherche d'une corde de rappel dérobée en salle de sport, il a été constaté que les scellés de son ordinateur avaient été coupés et décidé de retenir cet appareil pour poursuivre sa vérification ; que l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de cette mesure ; que, par un jugement du 24 janvier 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que, par un arrêt du 24 avril 2014, la présente cour a rejeté l'appel formé par M. C...à l'encontre de ce jugement ; que, par une décision n°383712 du 9 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 24 avril 2014 et a renvoyé l'affaire devant la cour ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 449-1 du code de procédure pénale alors applicable : " Les détenus peuvent acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. (...) / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à un détenu peut, au surplus, être retenu, pour ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire du détenu " ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que, si une mesure de contrôle par l'administration pénitentiaire des équipements informatiques des détenus, eu égard à sa nature et à l'importance de ses effets sur la situation des détenus, ne constitue pas, en elle-même, un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, tel n'est en revanche pas le cas de la décision distincte de retenue de ces équipements qui, prise sur le fondement des dispositions précitées, le cas échéant, en résulte ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a demandé le 18 mai 2012 au tribunal administratif de Caen de prononcer l'annulation de la décision de retenue administrative de ses équipements informatiques prise le 9 janvier 2012 suite au contrôle effectué le même jour ; que, compte tenu de la nature et de ses effets sur la situation de M.C..., cette décision, distincte de l'opération de contrôle dont elle résultait, ne constituait pas une mesure d'ordre intérieur et était susceptible d'être contestée par la voie de l'excès de pouvoir ; que, par suite, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande d'annulation, le tribunal administratif de Caen a estimé que, dirigée contre une mesure d'ordre intérieur, cette demande était irrecevable ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Caen ;
Sur la légalité de la décision du 9 janvier 2012 :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur et aujourd'hui codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que si ces dispositions imposent qu'une décision écrite prise par une des autorités administratives au sens de cette loi comporte la signature de son auteur et les mentions prévues par cet article, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer que toute décision prise par ces autorités administratives prenne une forme écrite ;
7. Considérant qu'aucune disposition du code de procédure pénale n'impose qu'une décision de retenue administrative d'un équipement informatique, prise en application de l'article D. 449-1 de ce code, prenne une forme écrite ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision, non écrite, du 9 janvier 2012 de retenue administrative de l'ordinateur de M. C...méconnaîtrait les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ; que, de même, est inopérante la circonstance que la signature du correspondant local des systèmes d'information est illisible sur le procès-verbal de contrôle établi le 9 janvier 2012 ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'absence de l'indication des voies et délais de recours prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative est, pour les mêmes motifs et en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée dans sa rédaction alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; que selon son article 3 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; " que l'article 4 dispose : " Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande, dans les délais du recours contentieux, l'autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs. " ; que la décision de retenue du matériel informatique appartenant à M. C...a été prise à la suite du contrôle effectué le 9 janvier 2012 au cours duquel il a été constaté que les scellés de l'unité centrale de son ordinateur avait été coupés et qu'une corde de rappel, préalablement dérobée au sein de l'établissement pénitentiaire, avait été placée dans cette partie de l'ordinateur de l'intéressé ; que la saisie administrative du matériel de M. C..., qui a été condamné à une peine d'emprisonnement de trente ans pour assassinat, avec une période de sûreté de vingt ans et qui n'est libérable qu'en 2028, a été prononcée pour éviter toute tentative d'évasion et revêtait dès lors un caractère d'urgence absolue ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...a demandé la communication des motifs de la décision contestée dans les délais du recours contentieux ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 9 janvier 2012 ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales (...) " ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, la retenue administrative des équipements informatiques de M. C... était justifiée par l'urgence de la situation et par le risque d'une tentative d'évasion ; que, par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que, faute d'avoir été précédée d'un débat pendant lequel il aurait pu présenter ses observations, la décision contestée serait illégale pour avoir été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du principe général du droit au respect du contradictoire ; que, par ailleurs, l'intéressé ne peut utilement soutenir que cette décision méconnaîtrait les articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'elle ne peut être regardée comme procédant de la mise en oeuvre du droit de l'Union au sens de ces stipulations ;
12. Considérant que M. C... soutient qu'en vertu des articles 57-1 et 76-3 du code de procédure pénale le contrôle d'un ordinateur ne pouvait être effectué que dans le cadre d'une perquisition par un officier de police judiciaire, sous le contrôle d'un magistrat de l'ordre judiciaire et que les articles D. 449-1 du code de procédure pénale et 6-1 de la circulaire NOR JUSK094006C du 13 octobre 2009 sont contraires à ces dispositions législatives, à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 66 de la Constitution ; que toutefois, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier, que l'administration a procédé à une fouille de la cellule de M. C... à la suite du vol d'une corde de rappel dans l'enceinte de l'établissement pénitentiaire ; que compte tenu des indices découverts lors de cette fouille, et notamment du fait que les scellés posés sur l'unité centrale de son ordinateur avaient été soigneusement coupés, l'administration pénitentiaire a pu légalement procéder, sur le fondement des dispositions précitées de l'article D. 449-1 du code de procédure pénale alors en vigueur, à une saisie de son ordinateur ; que M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'auraient été méconnues les dispositions de l'article 66 de la Constitution, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles 57-1 et 76-3 du code de procédure pénale, dans les prévisions desquelles il n'entrait pas ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, prise à la suite de ces mesures de contrôle, serait contraire à ces dispositions ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et de surseoir à statuer dans l'attente de sa décision, que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 janvier 2012 ; qu'en conséquence, les conclusions de M. C...à fin d'injonction sous astreinte et tendant au versement d'une somme en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201028 du tribunal administratif de Caen en date du 24 janvier 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Caen et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03504