Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2020, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2019 du préfet du Loiret en tant qu'il rejette sa demande de titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement a retenu à tort sa nationalité tunisienne et examiné sa demande au regard de l'accord franco-tunisien ;
- la décision de refus de titre de séjour est intervenue en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il a présenté à l'appui de sa demande un imprimé CERFA et non un contrat de travail, et de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 dès lors qu'il réside en France depuis plus de trois ans et qu'il y a exercé une activité professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2020, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., ressortissant marocain né en 1989, déclare être entré sur le territoire français le 17 mars 2014. L'intéressé a été visé par un arrêté du 27 janvier 2017 portant obligation de quitter le territoire français auquel il n'a pas déféré. Il a sollicité le 1er janvier 2019 le bénéfice d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié. Par un arrêté du 18 avril 2019, le préfet du Loiret a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 7 janvier 2020, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi que le soutient le requérant, le jugement attaqué statue sur les conclusions de M. C... en faisant application de la réglementation applicable aux ressortissants tunisiens, et en le présentant comme tel, alors qu'il ressort clairement des pièces au dossier qu'il est sujet marocain. Le tribunal administratif doit ainsi être regardé comme ayant omis de se prononcer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la violation de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Le jugement est ainsi irrégulier et doit être annulé.
3. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. C... tant en première instance qu'en appel.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent sous réserve des conventions internationales. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...). ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ".
5. Il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est subordonnée à la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. D'une part, il n'est pas établi, ni même allégué, que M. C... serait entré en France pourvu d'un tel visa. D'autre part, le refus de titre de séjour contesté, au regard de l'accord franco-marocain, repose sur deux motifs dont celui tiré de l'absence du visa exigé par l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, à lui-seul, fonde légalement cette décision. Enfin, M. C... ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 2ème alinéa de ce même article 3 de l'accord franco-marocain, qui ne trouvent à s'appliquer qu'aux ressortissants marocains qui ont précédemment bénéficié d'un titre de séjour, dont il ne fait pas partie, par application du 1er alinéa de ce même article. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Loiret a méconnu l'article 3 de l'accord franco-marocain en ne saisissant pas les services du ministère de l'emploi de sa demande d'autorisation de travail et en ne lui délivrant pas le titre de séjour sollicité alors qu'il réside en France depuis plus de trois ans ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir d'une violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour en se prévalant de cette disposition et que le préfet n'a pas examiné sa demande sur ce fondement de sa propre initiative.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Aux termes de l'article 8 des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. C... est entré en France, selon ses déclarations, en 2014, soit à l'âge de 25 ans. S'il fait état de son insertion en France, il ne l'établit pas. Par ailleurs, il est célibataire, sans enfant, alors que ses parents et sa fratrie sont établis au Maroc. Par suite, et alors qu'il a été l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2017 à laquelle il n'a pas déféré, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une violation des stipulations conventionnelles précitées. Pour les mêmes raisons, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. En dernier lieu, M. C... ne peut utilement soutenir que la décision contestée serait entachée d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas fixation du pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 18 avril 2019 en ce qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901900 du 7 janvier 2020 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans dirigée contre l'arrêté du préfet du Loiret du 18 avril 2019 en ce qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ainsi que le surplus des conclusions de la requête d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01909