Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 août 2017, le 12 avril 2018 et le 30 octobre 2018, la société civile immobilière (SCI) du Centre de gros, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2015 par lequel le maire de Cherbourg-en-Cotentin a prononcé la fermeture administrative de l'établissement La Bonnetière ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 22 janvier 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il omet de se prononcer sur la régularité du motif tiré du caractère vétuste des locaux ;
- l'arrêté du 20 novembre 2015 n'est pas motivé ;
- il méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation faute de mise en demeure préalable au représentant légal de l'établissement de procéder aux travaux nécessaires pour assurer la sécurité du public et d'engager une procédure contradictoire postérieurement au courrier invitant la SCI à procéder aux travaux ;
- il est entaché d'un vice d'incompétence négative dès lors que le maire s'est cru à tort lié par l'avis de la commission communale de sécurité ;
- l'arrêté contesté méconnait l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'il ne contient aucune prescription de mise en conformité et prononce une mesure de fermeture permanente et définitive à l'encontre d'un établissement qui n'était plus exploité à la date de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté repose sur des motifs erronés en fait et en droit dès lors d'une part qu'il n'est pas établi que l'établissement est vétuste et présente des infiltrations d'eau, d'autre part qu'appartenant à la catégorie des établissements de 5ème catégorie et non de 4ème catégorie, les dispositions de l'article M1 du décret du 25 juin 1980 ne lui sont pas opposables et enfin, et en tout état de cause, il existe bien un mur coupe-feu de trois heures entre l'ensemble commercial Daltoner/La Bonnetière et l'ensemble commercial Cash concept.
Par des mémoires en défense enregistrés le 24 octobre 2017, le 29 mai 2018 et le 15 novembre 2018, la commune de Cherbourg-en-Cotentin, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI du Centre de gros la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 janvier 2019, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me E...représentant la SCI du Centre de gros ainsi que celles de Me C...représentant la commune de Cherbourg-en-Cotentin.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Cherbourg-en-Cotentin a été enregistrée le 1er mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI du Centre de gros est propriétaire d'un local commercial se trouvant au sein d'un ensemble immobilier situé avenue de l'amiral Lemonnier à Cherbourg-en-Cotentin qu'elle a donné à bail à M. F...qui y exploite l'établissement " La Bonnetière ", un magasin de meubles. Cet établissement est mitoyen avec l'établissement " Le fournil de Léon ", anciennement " Daltoner ", lui-même mitoyen avec l'établissement " Cash Concept ", mitoyen avec l'établissement " Zénith Luminaires ". A l'issue de la visite effectuée le 20 novembre 2015, la commission communale de sécurité a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement " La Bonnetière ". Par un arrêté du même jour, le maire de Cherbourg-en-Cotentin a prononcé la fermeture de cet établissement. Le 22 janvier 2016 la SCI du Centre de gros a formé un recours gracieux contre l'arrêté du 20 novembre 2015. Ce recours ayant été implicitement rejeté, la SCI a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2015 du maire de Cherbourg-en-Cotentin décidant la fermeture de l'établissement " La Bonnetière " ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 21 juin 2017, dont la SCI du Centre de gros relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
2. L'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable dispose que : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté du 20 novembre 2015 par lequel le maire de Cherbourg-en-Cotentin a prescrit la fermeture de l'établissement la Bonnetière constitue une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors applicable. Il est constant que cet arrêté ne comporte lui-même aucun motif et se borne à viser " l'avis défavorable à la poursuite de l'exploitation émis par la commission communale de sécurité le 20 novembre 2015 dont le procès verbal est annexé au présent arrêté ". Cet avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement comporte lui-même deux motifs : le caractère vétuste des locaux et l'absence d'isolation coupe-feu. Or, les mentions de l'arrêté contesté ne permettent pas de savoir si le maire de Cherbourg-en Cotentin a entendu s'approprier les motifs de l'avis défavorable de la commission communale de sécurité ni même seulement sur lequel des motifs de l'avis il aurait entendu se fonder pour décider la fermeture de l'établissement " La Bonnetière ". Dans ces conditions, l'arrêté contesté ne satisfait pas aux exigences de motivation posées par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI du Centre de gros est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2015 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Les conclusions présentées par la commune de Cherbourg-en-Cotentin, partie perdante à l'instance, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cherbourg-en-Cotentin la somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de la SCI du Centre de gros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017, l'arrêté du 20 novembre 2015 du maire de Cherbourg-en-Cotentin de fermeture de l'établissement " La Bonnetière " ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de la SCI du Centre de gros sont annulés.
Article 2 : La commune de Cherbourg-en-Cotentin versera à la SCI du Centre de gros la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Centre de gros et à la commune de Cherbourg-en-Cotentin.
Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2019.
La présidente, rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterL'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
M.P. Allio-RousseauLa greffière,
M. B...Le président,
L. LAINÉ
La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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17NT02564