Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2017, la commune de la Forêt-Fouesnant, représentée par la Selarl le Roy Gourvennec Prieur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ne retenant pas le risque présenté par le projet pour la sécurité publique, les premiers juges ont commis une erreur de droit et d'appréciation des faits au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- en estimant que le maire ne pouvait se fonder sur l'avis de l'architecte des bâtiments de France, les premiers juges ont commis une erreur de droit et d'appréciation des faits au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- le signataire de l'arrêté contesté était compétent ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;
- le refus de permis de construire pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; cette substitution de motifs justifie le refus de permis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, Mme E...B..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de la Forêt-Fouesnant le versement d'une somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- un permis de construire lui a été délivré le 21 avril 2015 par le Maire pour la construction d'une maison d'habitation sur le même terrain et a été entièrement exécuté ;
- la requête de la commune est devenue sans objet dès lors que le maire a opposé un nouveau refus de permis de construire, le 4 septembre 2017, en application du jugement ayant annulé l'arrêté contesté.
- la demande de substitution de motif sollicitée en appel est tardive ; le refus de permis de construire ne pouvait sérieusement être fondé sur les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés par la commune de la Forêt-Fouesnant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant la commune de La Forêt-Fouesnant, et de MeA..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a obtenu un certificat d'urbanisme le 29 juillet 2013 déclarant réalisable la construction d'une maison d'habitation bio climatique en ossature bois sur un terrain situé route du Cranic, cadastré E n° 1323, sur la commune de la Forêt-Fouesnant. Une permission de voirie lui a été délivrée le 4 novembre 2013 afin d'aménager l'accès à sa propriété. Elle a alors sollicité, le 2 avril 2014, la délivrance d'un permis de construire. Le service territorial de l'architecture et du patrimoine a émis un avis de non conformité avec recommandations le 10 avril 2014. Le maire de la commune a opposé un refus à cette demande par arrêté du 28 octobre 2014. Mme B...a formé un recours gracieux contre cet arrêté et parallèlement a présenté une demande de déféré auprès du préfet du département par des courriers en date du 11 novembre 2014, notifiés le 13. Du silence gardé par ces autorités sont nées deux décisions implicites de rejet. Par une demande du 26 janvier 2015, Mme B...a demandé l'annulation du refus de permis de construire et de ces décisions implicites. La commune de la Forêt-Fouesnant relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 28 octobre 2014 de son maire refusant de délivrer à Mme B...le permis de construire qu'elle demandait pour la construction d'une maison d'habitation.
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
2. Il est constant que le maire de la Forêt-Fouesnant a, sous l'injonction des premiers juges, statué à nouveau le 4 septembre 2017 sur la demande de permis de construire de Mme B...et rejeté cette demande et que la requérante n'a pas contesté ce nouveau refus. Toutefois, ces circonstances ne rendent pas sans objet l'appel formé contre le jugement pas plus que la circonstance que le maire de la Forêt-Fouesnant a, par arrêté du 21 avril 2015, délivré à Mme B...un permis de construire sur le même terrain, permis correspondant à un projet différent de celui ayant fait l'objet du refus contesté. Dès lors, et contrairement à ce que soutient Mme B..., il y a lieu de statuer sur la requête d'appel de la commune.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
4. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé le jugement attaqué du 7 juillet 2017 du tribunal administratif de Rennes ayant annulé l'arrêté contesté du 28 octobre 2014, que l'accès prévu au nord du terrain d'assiette du projet sur la route du Cranic se situe dans une côte et en courbe. Toutefois, le virage est très peu accentué et la vitesse sur cette voie, qui comporte à cet endroit des ralentisseurs, est limitée à 30 km/h. En outre, l'arrêté de permission de voirie du 4 novembre 2013 prévoyait un recul de 5 mètres du portail. Dans ces conditions, le refus de permis était entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
6. Si la commune soutient qu'il ne saurait être reproché à son maire d'avoir fondé son refus sur l'avis de l'architecte des bâtiments de France, un tel moyen ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. Enfin, la commune de la Forêt-Fouesnant ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, postérieure à l'arrêté contesté, que le futur le plan local d'urbanisme de la commune, arrêté le 13 avril 2017, aurait répertorié le talus bordant la route du Cranic comme talus remarquable à préserver au titre des éléments naturels à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier en application de l'article L.151-23 du code de l'urbanisme.
Sur la demande de substitution de motifs :
8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. La commune soutient que le refus de permis de construire opposé à Madame B...est justifié en application des dispositions alors applicables de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.
10. Aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicable : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " Il résulte de ces dispositions, qui sont applicables à tout terrain situé sur le territoire d'une commune littorale, que ce terrain soit situé ou non à proximité du rivage, que les constructions peuvent être autorisées en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations.
11. Il ressort des pièces du dossier que le hameau de Kermarquer où se trouve le projet est composé d'un groupement d'une quinzaine de constructions individuelles relié au centre bourg, situé à un kilomètre de distance, par quelques constructions éparses le long de la route ; ce hameau est en outre bordé côté nord, de l'aurtre côté de la route, par un vaste espace naturel et agricole. Bien qu'il soit desservi par une voie publique, des réseaux d'électricité, d'eau potable et d'assainissement, le terrain en cause se situe en bordure du hameau et s'ouvre sur des espaces naturels et agricoles s'étendant sur un rayon de 2 kilomètres au nord et au sud. Enfin, il est situé sur une zone dite UHc qui, telle que répertoriée par le plan d'occupation des sols applicable au moment de l'arrêté, est composée d'espaces urbanisés peu denses, d'ordre discontinu. Dès lors, le terrain d'assiette doit être considéré comme situé dans une zone d'urbanisation diffuse, laquelle ne peut être regardée comme un hameau nouveau intégré à l'environnement. L'extension de l'urbanisation entraînée par le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.
12. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif et que la substitution de motifs demandée n'a pas pour effet de priver Mme B...d'une garantie de procédure. L'administration pouvait, sans commettre d'erreur de droit, refuser, pour ce motif, la délivrance du permis de construire. Il suit de là que les motifs d'annulation retenus par les premiers juges ne peuvent être maintenus.
13. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens contestant l'arrêté :
14. M. D...C..., adjoint au maire, a, par arrêté du 16 octobre 2014, dont il n'est pas contesté qu'il a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la commune de la Forêt-Fouesnant, reçu délégation du maire de la commune de la Forêt-Fouesnant à l'effet notamment de signer les " instruction et décision sur les demandes d'autorisation et les déclarations relatives à l'utilisation du sol ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
15. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. "
16. L'arrêté contesté mentionne, outre les textes dont il fait application, l'avis défavorable du service territorial de l'architecture et du patrimoine. Il relate également de manière suffisamment précise les circonstances de fait retenues par le maire. Par suite, l'arrêté du 28 octobre 2014 est suffisamment motivé en droit comme en fait. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que la commune de la Forêt-Fouesnant est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 28 octobre 2014 refusant à Madame B...le permis de construire sollicité.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MadameB..., la somme que demande la commune de la Forêt-Fouesnant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par Madame B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2014 portant refus de permis de construire sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de la Forêt-Fouesnant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Forêt-Fouesnant et à Mme E...B....
Copie en sera adressée, pour information, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriale.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02741