Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2015 et le 16 octobre 2015, le préfet d'Îlle-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du 5 juin 2015 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée Mme C...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015, ainsi que les conclusions à fin d'injonction afférentes et celles présentées au titre de l'arricle L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le magistrat délégué a fait une lecture erronée de l'article 37 du règlement n° 767-2008 du parlement européen et du conseil du 9 juillet 2008 qui prévoit les informations qui doivent être données aux demandeurs d'un visa de court séjour ; cet article prévoit que c'est l'Etat membre responsable, c'est à dire l'Etat membre qui a saisi les données dans le système d'information sur les visas (SIS), qui doit porter les informations relatives notamment à la collecte des empreintes digitales à la connaissance du demandeur de visa ; dès lors qu'il était saisi d'une demande d'admission au titre de l'asile et non d'une demande de visa, il n'avait pas à délivrer ces informations ;
- Mme C...a reçu les documents d'information prévus par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, à savoir le guide du demandeur d'asile, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est ce que cela signifie ' " ;
- la somme de 1500 euros accordée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est manifestement disproportionnée.
En application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, une mise en demeure de produire des observations a été adressée à Mme C...le 8 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 concernant le système d'information sur les visas (VIS) et l'échange de données entre les Etats membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 janvier 2016 :
- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller.
1. Considérant que le préfet d'Îlle-et-Vilaine relève appel du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes du 5 juin 2015 en tant que celui-ci a, à la demande de MmeC..., annulé l'arrêté du 29 mai 2015 décidant sa remise aux autorités belges, enjoint au préfet d'Îlle-et-Vilaine de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2. Considérant que les dispositions du 1. de l'article 37 du règlement (CE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 concernant le système d'information sur les visas (VIS) et l'échange de données entre les Etats membres sur les visas de court séjour (règlement VIS) déterminent les informations que l'Etat membre responsable d'une demande de visa de court séjour doit fournir au demandeur à propos du système d'information sur les visas et des données le concernant qui y sont traitées ; que ces dispositions ne sont pas applicables à la procédure de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile ; que par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues est inopérant pour contester une décision de remise d'un demandeur d'asile aux autorités de l'Etat responsable de cette demande d'asile ; qu'il suit de là que le préfet d'Îlle-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a retenu le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 37 du règlement du 9 juillet 2008 pour annuler l'arrêté du 29 mai 2015 ;
3. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...contre l'arrêté du 29 mai 2015 devant le tribunal administratif de Rennes ;
4. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, la décision de remise de Mme C...aux autorités belges ne fait pas application du règlement du 9 juillet 2008 susvisé ; que par suite, le défaut de visa de ce règlement n'est pas susceptible d'entacher la décision attaquée d'une insuffisance de motivation ;
5. Considérant, d'autre part, que Mme C...soutient, par voie d'exception, que l'arrêté litigieux serait illégal en raison de l'illégalité qui affecte la décision du 1er avril 2015 du préfet d'Îlle-et-Vilaine rejetant sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, au motif que cette décision serait intervenue sans qu'aient été respectées les obligations d'information imposées par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil en date du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement susvisé (UE)
n° 604/2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n°603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;
7. Considérant que la requérante ne conteste pas avoir reçu, au moment du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de 1'asile, le Guide du demandeur d'asile ainsi que le document d'information A intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne- quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et le document d'information B intitulé " Je suis sous procédure Dublin- qu'est-ce que cela signifie ' " mais soutient seulement que ceux-ci ne comporteraient pas toutes les informations requises par les dispositions précitées ; que les documents A et B susmentionnés constituent la " brochure commune " (parties A et B) prévue par les dispositions précitées de 1'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et sont strictement conformes aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui est l'un des actes réglementaires d'application du règlement n° 604/2013 ; qu'il ressort de l'examen de ces documents qu'ils comportent l'ensemble des informations essentielles requises et permettant aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur 1'application du règlement du 26 juin 2013 ; que Mme C...n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié de l'ensemble des informations correspondant à sa situation de demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que l'arrêté litigieux serait illégal en raison de l'illégalité qui affecte la décision du 1er avril 2015 du préfet d'Îlle-et-Vilaine rejetant sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, ne peut être accueilli ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Îlle-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 29 mai 2015 décidant la réadmission de Mme C...en Belgique, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme C...et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et a mis à sa charge la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juin 2015 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Îlle-et-Vilaine du 29 mai 2015, ainsi que les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 y afférentes, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme GUERINC...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet d'Îlle-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 février 2016.
Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
L. LAINE
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT021043