Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 août 2013, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 038 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière ; la proposition de rectification du 18 avril 2007 ne comporte la signature manuscrite ni du vérificateur ni de son supérieur hiérarchique ; l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle a été engagé par avis n° 3929 du 14 mai 2007, soit postérieurement à l'établissement et à l'envoi de la proposition de rectification du 18 avril 2007 établie à l'issue de la procédure de vérification dont elle a fait l'objet ; l'administration ne lui a pas communiqué la copie de la proposition de rectification du 20 décembre 2007 à laquelle aurait été annexé le prétendu projet de proposition de rectification du 18 avril 2007 ; la doctrine administrative a précisé que la notification doit être datée et porter la signature de l'agent chargé de sa rédaction ainsi que l'indication de son nom et de son grade ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont irrégulières ; l'inspecteur principal n'a pas signé la proposition de rectification, en violation des articles L. 80 E et R. 80 E 1 du livre des procédures fiscales ; les pénalité ne sont pas suffisamment motivées ; le caractère délibéré de sa prétendue volonté d'éluder l'impôt n'est pas établi.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la substitution de la pénalité de 10 %, prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, à celle de 40 % pour manquements délibérés prévue par les dispositions de l'article 1729 du même code.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés ;
- l'absence de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée dans les délais impartis justifie que soit appliquée la pénalité de 10 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que Mme D...exploitait durant les années 2004 et 2005 un fonds de commerce de restaurant saisonnier situé à Pézenas et relevait à ce titre de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le service des impôts lui a adressé le 23 août 2006 un avis de vérification de comptabilité ; que le contrôle s'est déroulé du 18 septembre au 11 décembre 2006 ; que le vérificateur a écarté la comptabilité comme dépourvue de valeur probante et a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise selon la méthode dite " des liquides " ; qu'il en est résulté des rehaussements du chiffre d'affaires entraînant, pour ce qui concerne le présent litige, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total de 46 330 euros qui ont été notifiés à l'intéressée le 18 avril 2007 selon la procédure de taxation d'office, assortis d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré ; que Mme D...a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la décharge des montants supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée en cause ; que par jugement du 2 juillet 2013, le tribunal administratif a accordé à Mme D...la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondant à un chiffre d'affaires de 7 008 euros au titre de la période 2004-2005 ; que Mme D...relève appel de ce jugement en tant que celui-ci a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) " ;
3. Considérant que l'administration a produit devant le tribunal administratif la copie de la proposition de rectification du 18 avril 2007 dûment signée par le vérificateur et par l'inspecteur principal et l'avis de réception de cette proposition en date du 20 avril 2007 ; que Mme D...soutient qu'elle n'aurait en réalité reçu qu'un exemplaire de ladite proposition dépourvu de signatures ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la copie versée à l'instance et dont se prévaut la requérante constitue en fait un exemplaire adressé par le vérificateur en charge de la vérification de comptabilité du restaurant saisonnier exploité par Mme D...au service fiscal de Paris Ouest, lequel assurait de son côté l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de la contribuable, ce service ayant ensuite joint à sa propre proposition de rectification du 20 décembre 2007, cet exemplaire portant d'ailleurs la mention " en attente de la version complète " ; que la page de garde de la proposition de rectification du 20 décembre 2007 précise que " La présente lettre comporte 9 feuilles, y compris celle-ci, et copie de la 3924 qui a été adressée à votre père, M. A...D..., pour votre compte suite à la vérification de comptabilité du restaurant " Le Poisson verre " (27 feuilles) par la 3ème brigade départementale de vérification de l'Hérault " ; que la circonstance que l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressée a été engagé par avis n° 3929 du 14 mai 2007, soit postérieurement à l'établissement de la proposition de rectification du 18 avril 2007 est sans incidence ; que par ailleurs, Mme D...ne saurait se prévaloir de ce que la copie de la proposition de rectification du 18 avril 2007 qu'elle a jointe à sa réclamation du 28 décembre 2010 serait incomplète et comporterait diverses anomalies dès lors qu'il résulte de l'instruction que cette copie ne correspond pas à la proposition de rectification qui lui a été adressée et qu'elle a effectivement reçue ; que dans ces conditions le moyen selon lequel la procédure d'imposition serait irrégulière ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, d'autre part, que Mme D...ne peut se prévaloir des énonciations de la documentation administrative référencée n° 13 L-1513 n° 96 et de la note DGI du 25 mai 1965 n° 41, dès lors qu'elles sont relatives à la procédure d'imposition et ne peuvent donc pas être regardées comme présentant le caractère d'une interprétation de la loi fiscale ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels en droits de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2004 et 2005 ;
Sur les pénalités :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. (...). " ; qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La décision d'appliquer les majorations prévues aux articles 1729 et 1732 du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;
7. Considérant que, comme il a été dit au point 3, la proposition de rectification du 18 avril 2007 comporte la signature de l'inspecteur principal exigée par l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales ; que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article L. 80 E manque donc en fait ;
8. Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition ; qu'en appel, le ministre de l'économie et des finances demande que les dispositions du 1. de l'article 1728 du code général des impôts soient substituées comme base légale des pénalités assorties aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2004 et 2005, à celles de l'article 1729 du même code que l'administration avait initialement invoquées pour fonder ces majorations ; que cette substitution de base légale ne prive Mme D...d'aucune garantie ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par l'intéressée que celle-ci s'est abstenue de souscrire dans le délai légal ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour les deux exercices en litige ; qu'il s'ensuit que le ministre est fondé à demander que soit substituée à la majoration de 40 % la majoration de 10 % appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis à l'encontre de Mme D...au titre des années 2004 et 2005 ; que par voie de conséquence, faute pour l'administration d'avoir produit le certificat de dégrèvement correspondant annoncé dans ses écritures, il y a lieu pour la Cour de réduire dans cette mesure les pénalités dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme D... au titre des années 2004 et 2005 et de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la requérante d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les pénalités dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme D...au titre des années 2004 et 2005 sont réduites au taux de 10 %.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 juillet 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 13MA03571 3
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