Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 11 décembre 2013 et régularisée par courrier le 12 décembre suivant, la société BLO représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige, en droits et en pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne le passif considéré comme non justifié, la somme en litige est une dette dont elle est débitrice envers la société Saint Jean Automobiles ;
- l'administration ne se place dans aucune des hypothèses qui peuvent juridiquement justifier le retrait d'une dette du bilan ;
- il ne s'agit ni d'une erreur, ni d'une annulation par décision de justice, aucun remboursement n'a été opéré par la société débitrice, la prescription n'est pas encore intervenue et la société Saint Jean Automobiles n'a pas procédé à un abandon de créance à son bénéfice ;
- l'absence de diligences de l'entreprise individuelle Saint Jean Automobiles pour recouvrer sa créance ne suffit pas à laisser présumer un abandon de créance ;
- en ce qui concerne le redressement lié à la minoration des stocks, elle a produit l'essentiel des mandats de dépôt vente ;
- la majoration du stock constatée par le service, conduisant à la constatation d'une variation positive de l'actif net, doit être neutralisée par la constatation à due concurrence d'une dette vis-à-vis des vendeurs, se traduisant, elle, par une variation négative du même actif net ; or, à suivre le raisonnement des premiers juges, et si les ventes en cause étaient parfaites, elle serait, dès les transferts de propriété, débitrice des prix de vente par les vendeurs des véhicules, ce qui aurait dû se traduire comptablement par la constatation d'un passif d'égal montant à la majoration du stock ;
- par ailleurs, elle établit que le véhicule Peugeot 406 immatriculé 2456 YH 34 a été définitivement détruit et ne pouvait, par suite, figurer en stock au 30 juin 2008 ;
- enfin, en ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts, celle-ci n'est pas justifiée par l'administration ; le fait que les documents comptables rectificatifs aient été déposés en cours de contrôle, qui a débuté le 3 septembre 2009, est inopérant pour démontrer sa mauvaise foi dès lors qu'elle avait jusqu'au 30 septembre 2009 pour déposer l'ensemble des documents, dont le grand livre et les éditions comptables ;
- en outre, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés portent sur des montants relativement faibles et ne peuvent suffire à justifier l'application de la pénalité de l'article 1729 du code général des impôts ;
- la motivation de l'application des pénalités pour manquement délibéré ne concerne que la taxe sur la valeur ajoutée et aucune motivation n'est donnée concernant l'application de ces pénalités aux rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, si ce n'est lorsque le service vise le caractère non sincère et non probant de la comptabilité.
Par un mémoire en défense enregistré par télécopie le 6 mai 2014 et régularisé par courrier le 14 mai suivant, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M. C... et M. B... détenaient chacun la moitié des parts sociales de la société BLO, qui exerce une activité de ventes de véhicules ; que M. B... est décédé le 28 février 2005 ; que la société BLO a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008 étendue jusqu'au 30 juin 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, engagée par un avis de vérification de comptabilité du 6 août 2009 ; qu'à l'issue de cette vérification, elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2008 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin des années 2006, 2007 et 2008 ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, en ce qu'ils procèdent du rehaussement des bénéfices tirés de son activité de vente de voitures et véhicules légers ; que par le jugement attaqué du 10 octobre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-1 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) " ; qu'il appartient au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service vérificateur a remis en cause une écriture comptable passée le 1er juillet 2005, libellée " A nouveau " et inscrite au compte fournisseurs 401 " Saint Jean Automobiles " pour un montant de 187 965,75 euros ; que pour justifier de l'inscription comptable de cette dette, la société BLO a produit, à la suite de la réponse du service aux observations du contribuable en date du 22 mars 2010, des factures d'achats et de réparation figurant dans ledit compte fournisseurs concernant des véhicules achetés en 2002, 2003, 2004 et 2005, dont il n'est pas contesté que leur revente est intervenue dans les trois mois de leur acquisition ; que l'administration a ainsi relevé, dans sa réponse du 28 juin 2010, que le produit de la revente des véhicules aurait dû servir à éteindre la dette correspondante et que la société Saint Jean Automobiles, supposément créancière et dont le gérant était M. B..., n'avait pas manifesté son intention d'obtenir le paiement de sa créance ; que l'administration fait notamment valoir que la société Saint Jean Automobiles ne fait pas état dans la liasse fiscale de son exercice clos en 2005 de l'existence de cette dette de la société BLO à son égard ; que la seule production d'une lettre du 21 février 2012 d'un notaire, dans le cadre de la succession de M. B..., mentionnant que la " cession des parts ne pourra intervenir que tout autant que, concomitamment la société BLO sera en mesure de procéder au remboursement : (...) du compte fournisseur ouvert au nom du défunt représentant une somme de 161 149 euros " n'est pas de nature à justifier la déductibilité de la somme dont s'agit ; que contrairement à ce que soutient la société appelante, l'administration n'a pas admis le caractère justifié du passif ; que par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts que l'administration a regardé la somme portée au crédit du compte 401 comme un passif injustifié et l'a réintégrée dans les résultats imposables de la société BLO au titre de l'exercice clos le 30 juin 2006 ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts : " Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières premières, des matières et fournitures consommables, des productions en cours, des produits intermédiaires, des produits finis, des produits résiduels et des emballages non destinés à être récupérés, qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation d'un bénéfice d'exploitation. (...) " ; que l'article 1583 du code civil prévoit que la vente : " est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. " ;
5. Considérant qu'il résulte des termes de la proposition de rectification adressée à la société BLO le 16 décembre 2009 que, ayant constaté que des véhicules figurant au registre de police, qui n'avaient pas été revendus, ne figuraient pas dans les états de stocks des exercices clos respectivement les 30 juin 2006 et 2008, l'administration a majoré la valeur du stock de ces exercices du prix d'achat desdits véhicules ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les véhicules en litige étaient inscrits au registre de police des véhicules d'occasion pour des montants d'achat précis, révèlant ainsi une présomption de transfert de propriété ; que, cependant, selon la société appelante, ces véhicules lui auraient été confiés dans le cadre de mandats de dépôt vente ; que toutefois, la société BLO ne produit aucun justificatif afférent à leur revente ou à leur restitution à leur propriétaire tandis que l'administration soutient sans être contredite que les véhicules en cause étaient assurés par la société appelante avec une garantie tous risques souscrite auprès de son propre assureur ; qu'ainsi, la contribuable devant être regardée comme ayant agi en tant que propriétaire et non dépositaire desdits véhicules, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les biens en cause, devaient être inscrits, pour les sommes respectives de 12 000 et 20 900 euros, dans l'état des stocks des deux exercices clos les 30 juin 2006 et 2008 ;
7. Considérant, d'autre part, que s'agissant du véhicule référencé B 743 de marque Peugeot, type 406, immatriculé 2456 YH 34, la société appelante en se bornant à produire un courrier de la gendarmerie mentionnant que ce véhicule a été impliqué dans un accident de la circulation et une coupure de presse faisant état de l'accident de la circulation dont a été mortellement victime le co-gérant d'un garage de Saint-Jean de Védas circulant à bord d'une Peugeot 406, n'établit pas que le véhicule en litige aurait été détruit et ne pouvait ainsi figurer dans l'état des stocks au 30 juin 2008 ;
8. Considérant que l'administration ayant réintégré à bon droit dans les résultats des premiers exercices non prescrits les sommes correspondant à la sous-évaluation du stock, la valeur du stock d'ouverture de ces exercices constituait une donnée intangible en raison des règles de prescription ; que, par suite, le moyen selon lequel l'administration aurait été tenue de neutraliser la variation positive de l'actif net par la prise en compte d'une dette à l'égard des vendeurs des véhicules ne peut qu'être écarté ;
Sur les pénalités :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne (...) morale (...) tenue de souscrire une déclaration (...) comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration (...) dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration (...) déposé(e) tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10p. 100. (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ; " ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscales dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;
10. Considérant que les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société BLO au titre de la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2008 et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2006, 2007 et 2008 ont été assorties de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du manquement délibéré reproché au contribuable à raison de l'omission déclarative ;
11. Considérant, d'une part, que la proposition de rectification du 16 décembre 2009 comporte les motifs de droit et de fait justifiant l'application des pénalités pour manquement délibéré et en application des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts ;
12. Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux montants des rehaussements, l'administration qui relève notamment le caractère grave, intentionnel et répété des infractions et la circonstance que l'entreprise, qui n'a pas reversé la taxe sur la valeur ajoutée due, s'est constitué un fonds de trésorerie au détriment du Trésor public, alors que, contrairement à ce que soutient la société appelante, le dépôt en cours de contrôle de documents comptables apportant des rectifications aux comptes 4456 (taxe déductible) et 4457 (taxe collectée) révèle sa parfaite connaissance de ses obligations fiscales, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée d'éluder l'impôt et comme justifiant les pénalités dont les impositions de la société BLO ont été assorties ; que par ailleurs, la société appelante ne conteste pas avoir déposé les liasses fiscales des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 hors délai après mise en demeure ; que c'est dès lors par une exacte application des dispositions de l'article 1728 et de l'article 1729 du code général des impôts que les pénalités de 40 % ont été appliquées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BLO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société BLO la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société BLO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BLO et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 13MA04826