Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Madeline, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 7 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, après lui avoir remis une autorisation de séjour valable pendant la durée de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas examiné complètement, sérieusement et loyalement son dossier faute d'avoir pris en compte sa demande, à titre subsidiaire, de titre de séjour en tant que salariée et sa demande d'admission au séjour en raison de son intégration professionnelle ;
- le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet du Calvados a méconnu les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 janvier et le 19 octobre 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- et les observations de Me Pollono, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise, née le 4 avril 1982, a sollicité le 28 décembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 avril 2022, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 7 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".
3. Il est constant que Mme A... s'est vue délivrer à deux reprises une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour la période du 13 mars 2020 au 12 mars 2022, alors même qu'elle ne remplissait plus les conditions pour se voir délivrer un tel titre de séjour depuis le classement sans suite de sa plainte le 27 décembre 2019. Il est également constant que dans sa pré-demande de renouvellement en ligne du 28 décembre 2021 de son titre de séjour Mme A... a fait état de ses efforts d'intégration, notamment professionnelle et a produit une copie de son contrat de travail et un diplôme / justificatif de formation. Il ressort des copies des courriels échangés du 7 au 25 mars 2022, entre l'association accompagnant Mme A... dans ses démarches et les services préfectoraux, que l'intéressée a demandé à l'administration, au motif que du fait du classement sans suite de sa plainte elle craignait un rejet de sa demande, si elle devait ou pouvait compléter sa demande pour solliciter un titre de séjour en tant que salariée ou son admission exceptionnelle au séjour mais qu'en réponse elle a été invitée à attendre le traitement de la demande initiale autrement elle prendrait le risque de voir son dossier " classé sans suite " et qu'une demande d'autorisation de travail devait être formulée par l'employeur. Dans ces conditions, en traitant la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " de Mme A... sous le seul angle de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au caractère manifestement vain depuis fin 2019, alors qu'eu égard à son contenu et aux échanges que l'administration a eu par courriel avec celle-ci, cette demande pouvait être regardée comme une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " notamment au titre des articles L. 423-23 ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", le préfet du Calvados s'est mépris sur la portée de la demande de la requérante. Dans ces conditions, la décision contestée refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... doit être annulée.
4. Par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, il y a lieu également d'annuler les décisions litigieuses du préfet du Calvados obligeant Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2022 du préfet du Calvados.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Il résulte du moyen d'annulation retenu au point 3 que le présent arrêt n'implique qu'une mesure de réexamen de la demande de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de Me Madeline, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201621 du 7 octobre 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Calvados a refusé le renouvellement du titre de séjour de Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de Mme A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Madeline la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Madeline et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT03669