Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2019, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative le jugement n'est pas motivé sur le moyen tiré de l'absence de motivation de l'arrêté ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait en ce qui concerne la date de présentation de sa demande d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, au regard de son état de santé et des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant guinéen qui déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 18 mai 2019, a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 16 juillet suivant. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été relevées le 26 mars 2018 par les autorités allemandes lors du dépôt de sa demande d'asile. Le préfet de Maine-et-Loire a alors adressé aux autorités allemandes une demande de reprise en charge de l'intéressé, que ces mêmes autorités ont explicitement acceptée le 23 juillet 2019 sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 1er août 2019, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné la remise de M. C... aux autorités allemandes. M. C... relève appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".
3. Dans sa requête enregistrée le 3 mai 2019 auprès du greffe du tribunal administratif de Nantes, M. C... a soulevé le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté en invoquant divers arguments dont l'absence de mention du critère de détermination de l'Etat compétent retenu par la France, la mention d'une date de présentation de sa demande d'asile erronée et le caractère stéréotypé de l'appréciation de sa situation personnelle. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes du 19 septembre 2019, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments développés par la requête, répond, dans son point 4, au moyen cité. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. (...) ".
5. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
6. L'arrêté de transfert litigieux mentionne notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 742-3. Il relève également que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac à l'occasion de l'enregistrement de la demande d'asile de M. C... ont fait apparaître que l'intéressé avait déposé une demande similaire en Allemagne le 26 mars 2018. La décision comporte ainsi un exposé détaillé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé pour considérer l'Allemagne comme responsable de l'examen de la demande d'asile de M. C... et décider son transfert auprès des autorités de ce pays en application du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement. En outre, cette décision comporte un exposé de la situation personnelle et familiale de l'intéressé et des problèmes médicaux invoqués. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
9. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre, le 16 juillet 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé le 16 juillet 2019, sont rédigés en français, langue que l'intéressé a déclaré comprendre ainsi que cela ressort des termes du compte-rendu de l'entretien individuel sur lequel il a également apposé sa signature. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage dans une structure de pré-accueil. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
10. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que M. C... reprend en appel sans plus de précisions, doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 11 du jugement attaqué.
11. En quatrième lieu M. C... soutient que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il mentionne qu'il a présenté sa demande d'asile en France le 16 juillet 2019 à la préfecture de Loire-Atlantique alors qu'il a effectué cette demande le 20 mai 2019 lors de son passage auprès d'une plateforme d'accueil des demandeurs d'asile. Cependant, il ressort des pièces du dossier que cette demande n'a été régulièrement formalisée que le 16 juillet 2019. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a écarté l'erreur de fait invoquée.
12. En cinquième lieu, le moyen tiré du défaut d'examen du risque de violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en Guinée en cas de renvoi en Allemagne où sa demande d'asile a été rejetée, que M. C... reprend en appel sans plus de précisions, doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 15 du jugement attaqué.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé et des conséquences de sa réadmission en Allemagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile, de son état de santé et de sa situation personnelle. M. C... se borne à établir sa convocation à diverses consultations médicales en lien avec des problèmes ophtalmologiques, non précisés, ainsi que dans un service de médecine polyvalente en indiquant souffrir d'hémorroïdes internes. Ces éléments ne permettent pas à eux seul de démontrer que son état de santé le placerait dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité et qu'il ne pourrait bénéficier en Allemagne des soins utiles requis. Dans ces conditions, et alors même qu'il séjourne en France chez un neveu, ressortissant français, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 1er août 2019 du préfet de Maine-et-Loire serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2019 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT05056