2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 décembre 2019 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui permettre de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu en violation notamment de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; le mémoire en défense du préfet devant le tribunal administratif de Rennes n'a été adressé qu'une demie heure avant l'audience l'empêchant d'avoir le temps de faire lire ce mémoire par son avocat, de s'en faire traduire la teneur par un interprète et de faire part de ses observations à son avocat ; son avocat a manqué de temps pour préparer sa défense ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; si le préfet démontre que la brochure B lui a été remise, il ne démontre pas lui avoir remis la brochure A ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il a été entendu dans les locaux de la police lors de sa garde-à-vie dans des conditions n'assurant pas une confidentialité suffisante ; le résumé de l'entretien ne lui a pas été remis ; l'interprète qui l'a assisté n'était pas assermenté au sens de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'entretien n'a pas été mené par une personne qualifiée, laquelle ne peut être l'officier de police judiciaire qui n'a pas compétence pour mener un entretien en application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les garanties prévues par les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne sont pas uniquement offertes aux étrangers qui demandent l'asile ; elles sont applicables aux personnes qui se voient appliquer le règlement ;
- la décision est entachée d'erreur de droit ; contrairement à ce qu'indique le préfet dans sa demande de reprise en charge auprès des autorités allemandes, il n'a pas manifesté son intention de demander l'asile en France ; dès lors qu'il n'avait pas souhaité déposer une demande d'asile en France, les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'auraient pas dû être appliquées ; c'est à tort que le tribunal administratif a opéré une substitution de motifs à la faveur de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; le seul éloignement possible vers l'Allemagne aurait dû être fondé sur l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'y a pas eu d'examen réel de sa situation ; la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; l'arrêté indique qu'il est susceptible d'être convoqué par les services de la police ou de la gendarmerie pour l'exécution, alors qu'il était depuis 48 heures en centre de rétention, ce que n'ignorait pas le préfet ;
- aucune question ne lui a été posée sur le risque encouru en cas de retour en Albanie, au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il incombait au préfet d'examiner cette question sous l'angle de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par une ordonnance du 13 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2020, et prorogée jusqu'au 23 juin 2020 par l'effet de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Un mémoire présenté pour M. A... le 28 août 2020 n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance n° 20NT01620 du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né en mars 1982, a été interpellé le 3 décembre 2019 dans une zone d'accès restreint au port de Saint-Malo et placé en garde-à-vue. Par une décision du 6 décembre 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes. M. A... relève appel du jugement du 11 décembre 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2019.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance n° 20NT01620 du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 juillet 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. L'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice (...) ". Par ailleurs l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 777-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités selon lesquelles le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin examine les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile obéissent aux règles définies aux articles L. 512-1 et L. 742-4 à L. 742-6 du même code ". L''article L. 742-4 du même code dispose que : " I.- L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. / Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de transfert. / L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil, s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. (...) / II.- Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut contester la décision de transfert dans les conditions et délais prévus au III de l'article L. 512-1. Il est statué selon les conditions et délais prévus au dernier alinéa du même III sur le recours formé contre une décision de transfert par un étranger qui fait l'objet, en cours d'instance, d'une décision de placement en rétention. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense adressé par la préfète d'Ille-et-Vilaine en première instance a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Rennes le 11 décembre 2019 à 9 heures 01 pour une audience prévue le jour même à 9 heures 30. Si M. A... soutient qu'il y a eu méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'aurait pu prendre une connaissance suffisante de ces écritures et que son avocat n'aurait pu utilement y répondre, il ressort des visas du jugement contesté du tribunal administratif de Rennes que le conseil de M. A..., qui pouvait présenter des observations et invoquer des arguments jusqu'à la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience publique, a pu prendre connaissance du mémoire en défense de la préfète d'Ille-et-Vilaine et présenter des observations sur ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure garanti notamment par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. L'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. / (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ". L'article 24 du même règlement, intitulé " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'aucune nouvelle demande a été introduite dans l'Etat membre requérant ", dispose que : " 1. Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Par dérogation à l'article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d'interroger le système Eurodac conformément à l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête aux fins de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement ou d'une personne visée à son article 18, paragraphe 1, point d), dont la demande de protection internationale n'a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac, en vertu de l'article 17, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) 3. Si la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais prévus au paragraphe 2, l'État membre sur le territoire duquel la personne concernée se trouve sans titre de séjour donne à celle-ci la possibilité d'introduire une nouvelle demande. / 4. Lorsqu'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point d), du présent règlement dont la demande de protection internationale a été rejetée par une décision définitive dans un État membre, se trouve sur le territoire d'un autre État membre sans titre de séjour, ce dernier État membre peut soit requérir le premier État membre aux fins de reprise en charge de la personne concernée soit engager une procédure de retour conformément à la directive 2008/115/CE. / Lorsque le dernier État membre décide de requérir le premier État membre aux fins de reprise en charge de la personne concernée, les règles énoncées dans la directive 2008/115/CE ne s'appliquent pas. / 5. La requête aux fins de reprise en charge de la personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de cette personne, qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement (...) ".
7. M. A... soutient que n'ayant pas déposé de demande d'asile en France, il ne pouvait se voir appliquer les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Néanmoins, s'il est constant que lors de son audition par les services de police le 3 décembre 2019, M. A... n'a aucunement manifesté la volonté de présenter une demande d'asile, la préfet d'Ille-et-Vilaine pouvait légalement, en application du b) du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013, vérifier, par le biais d'une comparaison des empreintes dactyloscopiques de M. A..., si l'intéressé n'avait pas introduit une demande de protection internationale dans un autre Etat membre dès lors que M. A... séjournait irrégulièrement sur le territoire français et s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine. Le résultat de cette comparaison ayant révéré que M. A... avait sollicité l'asile le 25 septembre 2019 en Allemagne, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 la préfète d'Ille-et-Vilaine pouvait légalement adresser aux autorités allemandes une demande de reprise en charge de l'intéressé. Dès lors le moyen tiré de l'inapplicabilité des dispositions de ce règlement en l'absence de demande d'asile en France doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
9. Il est constant que M. A... n'a pas introduit de demande d'asile en France au sens de l'article 20 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ne peut ainsi utilement invoquer une absence d'information en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de ce même règlement, dès lors qu'il résulte du premier alinéa du paragraphe 1 de cet article que cette exigence d'information n'incombe qu'aux autorités compétentes de l'Etat membre où a été déposée une demande de protection internationale. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 4 décembre 2019 la brochure B intitulée : " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en langue albanaise. En outre, il ressort également des pièces du dossier qu'il s'est vu remettre le même jour et dans la même langue la brochure d'information relative à l'application du règlement " Eurodac ". Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du même jour doivent en tout état de cause être écartés.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ". L'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
11. Il ressort de ces dispositions que l'entretien individuel qu'elles prévoient n'a pour objet que de permettre de déterminer l'Etat responsable d'une demande d'asile. La tenue de cet entretien ne présente pas un caractère obligatoire si l'administration dispose d'éléments d'information suffisants pour déterminer l'Etat responsable de la demande d'asile et si le demandeur est mis en mesure de fournir toute information utile à cette détermination.
12. Il ressort des pièces du dossier que lors de son audition par les services de police le 4 décembre 2019, au cours de laquelle M. A... était assisté d'un interprète en langue albanaise, l'intéressé a fourni les informations relatives à son identité, à sa situation familiale, son parcours au sein de l'Union européenne et la demande d'asile qu'il avait présentée en Allemagne. Il a également, au cours de cette audition, été mis en mesure de présenter des observations. Dès lors, au vu des informations recueillies auprès de M. A... et après avoir constaté que ce dernier a été identifié dans le fichier " Eurodac " en qualité de demandeur d'asile en Allemagne, la préfète d'Ille-et-Vilaine disposait des informations suffisantes pour déterminer l'Etat de transfert de M. A.... Ainsi et alors même que M. A... n'apporte pas la preuve que la décision de la préfète aurait été différente s'il avait pu bénéficier d'un entretien individuel conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, en tout état de cause, être écarté.
13. En quatrième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que la préfète d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. A.... La seule circonstance que l'article 3 de l'arrêté contesté mentionne que " M. A... B... est susceptible d'être convoqué par les services de police, gendarmerie, PAF aux fins d'exécution de la présente décision " alors que l'intéressé était alors placé en rétention administrative n'est pas de nature à établir l'existence d'une telle erreur de droit.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ".
15. Si M. A... soutient que la préfète d'Ille-et-Vilaine aurait dû examiner sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne précise ni même n'invoque l'existence de risques de retour en Albanie, alors que la décision contestée a pour objet de prononcer son transfert auprès des autorités allemandes, et en tout état de cause ne précise pas davantage en quoi il encourrait des risques personnels s'il devait être renvoyé dans son pays d'origine. Enfin M. A... ne fait état d'aucune circonstance le mettant dans une situation de vulnérabilité telle que la France devrait examiner sa demande d'asile, alors même qu'il n'a formulé aucune demande d'asile en France, ni ne souhaite en introduire une. Il suit de là que ce dernier moyen doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué la magistrate désignée par le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2019 portant transfert auprès des autorités allemandes. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique le 18 septembre 2020.
La rapporteure,
M. D...Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00079