Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet et 15 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 20 février 2020 en ce qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre le refus de renouvellement de son titre de séjour ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 du préfet du Calvados en ce qu'il rejette sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire, mention vie privée et familiale, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision est intervenue en méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 décembre 2020.
Un mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, a été présenté par le préfet du Calvados après la clôture de l'instruction.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... G... D..., ressortissante nigériane née le 4 mars 1985, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 5 août 2013. Elle a sollicité le statut de réfugié qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 octobre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 1er avril 2015. Le 5 juin suivant, elle a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le 16 juin 2015, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Calvados a rejeté sa demande par un arrêté du 11 décembre 2017 qu'il a toutefois retiré le 16 mars 2018 à la suite de l'introduction d'un recours contentieux. L'intéressée a alors bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français, valable du 30 mars 2018 au 29 mars 2019. Le 25 mars 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 12 septembre 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 20 février 2020 le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté uniquement en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination. Mme D... relève appel de ce jugement en ce qu'il rejette sa demande d'annulation du refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
3. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour qu'il a accordé précédemment à Mme D... sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pour la période courant du 30 mars 2018 au 29 mars 2019 le préfet du Calvados lui a opposé d'une part que les justificatifs apportés étaient insuffisants pour justifier du fait que le père français de son enfant contribuait à l'entretien et à l'éducation de ce dernier et d'autre part que la reconnaissance de paternité de l'enfant est intervenue dans le seul but de faire bénéficier Mme D... d'un titre de séjour.
4. Cependant, d'une part, pour les motifs exposés au point 12 non contesté du jugement attaqué, il n'est pas établi que la reconnaissance de paternité souscrite par M. F... de l'enfant né en 2014 de sa relation avec Mme D... présentait un caractère frauduleux. D'autre part, Mme D... présente pour la première fois en appel le jugement du 5 novembre 2015 de la juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Caen décidant que l'autorité parentale sur son enfant sera exercée conjointement par les deux parents, réserve un droit de visite et d'hébergement à M. F... et lui impose le versement d'une contribution alimentaire mensuelle pour l'entretien et l'éducation de son fils. Par suite, indépendamment même des autres justificatifs produits relatifs aux contributions de M. F... à l'éducation et à l'entretien de son fils, Mme D... est fondée à soutenir que le refus de renouvellement du titre de séjour qu'elle a sollicité est intervenu en violation du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 du préfet du Calvados en tant qu'il lui refusait le renouvellement du titre de séjour sollicité.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados, dans un délai de deux mois, de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais du litige :
7. Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1902521 du 20 février 2020 du tribunal administratif de Caen et la décision du 12 septembre 2019 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de renouveler le titre séjour sollicité par Mme D... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à Mme D..., dans un délai de deux mois à compter du prononcé du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01884