Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 août 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2017 du préfet de la Vendée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de réexaminer sa demande dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé, faute de préciser les motifs de faits pour lesquels les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée, de son insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, manquent en fait ;
- la décision de remise aux autorités slovènes est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, faute pour le préfet de lui avoir notifié les informations prévues par ces dispositions, dès sa demande d'asile et dans une langue qu'il comprend, et en méconnaissance de l'article 5 de ce même règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il n'est pas établi que l'entretien individuel aurait été régulièrement mené par une personne qualifiée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ces conséquences sur sa situation personnelle, au regard des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, compte tenu des motifs sérieux et avérés de croire qu'il ne bénéficiera pas d'un examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile en cas de remise aux autorités slovènes, et du risque de mauvais traitements qu'il encourt en cas de transfert en Slovénie ;
- la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2017, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse ;
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1996, qui déclare être irrégulièrement entré en France le 1er janvier 2017, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 13 février 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées, d'abord en Bulgarie, le 25 octobre 2016, puis en Slovénie, le 20 décembre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique a respectivement saisi, le 16 février 2017, les autorités bulgares d'une part, et les autorités slovènes d'autre part, d'une demande de réadmission de l'intéressé sur le fondement du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le 17 février 2017, les autorités slovènes ont accepté de reprendre en charge M.A..., tandis que les autorités bulgares le refusaient, le 24 février 2017 sur le fondement du paragraphe 3 de l'article 23 de ce règlement, faute d'avoir été saisies dans le délai de deux mois fixé au paragraphe 2 du même article. Par un arrêté du 22 mai 2017, notifié à l'intéressé le 29 mai suivant, le préfet de la Vendée a décidé la remise de M. A...aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. A...relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". En l'espèce, il résulte de l'examen du jugement attaqué que, pour écarter les moyens invoqués par le requérant, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, de son insuffisante motivation, et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes, qui n'était certes pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, s'est borné à indiquer que ces moyens manquaient en fait, sans en exposer les raisons, ni même se référer aux pièces du dossier. Ainsi, le premier juge a insuffisamment motivé son jugement. Par suite, ce dernier doit être annulé, et il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision de remise aux autorités slovènes :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 22 mai 2017 portant remise de M. A...aux autorités slovènes, en tant que responsables de sa demande d'asile, a été signé par M. Vincent Niquet, secrétaire général de la préfecture de la Vendée, dont il est justifié qu'il disposait d'une délégation de signature régulièrement consentie à cet effet par un arrêté du 4 novembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire manque en fait.
4. En deuxième lieu, la décision litigieuse vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 742-3, et comporte un exposé détaillé des considérations de fait sur lesquelles le préfet de la Vendée s'est fondé pour décider de la remise de M. A...aux autorités slovènes, en mentionnant notamment qu'après que la consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes de l'intéressé, entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er janvier 2017, ont été relevées le 25 octobre 2016 par les autorités bulgares puis le 20 décembre 2016 par les autorités slovènes, ces dernières, saisies le 16 février 2017 d'une demande de prise en charge de l'intéressé sur le fondement du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont accepté le 17 février 2017 cette reprise en charge, alors que les autorités bulgares la refusait, le 24 février 2017, sur le fondement du paragraphe 3 de l'article 23 de ce règlement. Le moyen tiré de ce que la décision ne satisfait pas aux exigences légales de motivation doit dès lors être écarté comme manquant en fait.
5. En troisième lieu, les éléments de motivation figurant dans la décision et rappelés au point 4, ainsi que de l'ensemble des énonciations de l'arrêté, révèlent que, contrairement à ce que soutient M.A..., le préfet a procédé à un examen complet de sa situation personnelle et des risques de violation de ses droits en cas de transfert en Slovénie, au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé.
6. En quatrième lieu, M. A...ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision portant remise aux autorités slovènes le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'obligation d'information prévue par les dispositions du 1 de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend.(...). ". Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 13 février 2017, que M. A...a reçu communication du guide du demandeur d'asile, d'une brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin " (guide B) et d'une brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (guide A), rédigées en langue pachto que l'intéressé a déclaré comprendre, et comprenant l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire signé par l'intéressé le 13 février 2017, que M. A...a bénéficié le même jour, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité, qui s'est tenu en langue pachto que l'intéressé a déclaré comprendre, avec l'assistance, par téléphone, d'un interprète assermenté dont le nom et les coordonnées figurent sur le formulaire. D'une part, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. A...de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, ainsi que cela ressort du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien. D'autre part, aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit ainsi être écarté.
9. En septième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
10. M. A...fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Slovénie, accentuées par un durcissement des procédures d'accueil des réfugiés introduites dans la législation slovène en mars 2016. Toutefois, les documents qu'il produit ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités slovènes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Slovénie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. S'il fait en outre valoir, sans toutefois l'établir, qu'il aurait été emprisonné pendant trente-cinq jours lors de son séjour en Slovénie, dont il conserve des séquelles post-traumatiques physiques et psychologiques pour lesquelles il bénéficie d'un suivi médical en France, il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de transfert en Slovénie. Par suite, les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de la Vendée aurait méconnu les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel le préfet de la Vendée a décidé la remise de M. A...aux autorités slovènes doivent être rejetées, comme doivent l'être, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02556