Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 novembre 2017 et le 26 septembre 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes 24 août 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 juillet 2017 du préfet de la Sarthe ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe à titre principal de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré qu'une information effective sur ses droits en tant que demandeur d'asile lui ait été délivrée dans une langue qu'il comprend ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national ;
- le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de son état de santé ;
- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les observations de MeB..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant malien né le 21 novembre 1994, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 21 mars 2017 et y a sollicité l'asile le 12 avril 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 1er juillet 2016 et qu'il y avait demandé l'asile. Par deux arrêtés du 20 juillet 2017, le préfet de la Sarthe a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa reprise en charge le 14 juin 2017, et son assignation à résidence. M. C... relève appel du jugement du 24 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. C... aux autorités italiennes comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'ont été remis contre signature à M.C..., le 12 avril 2017, soit au moment du dépôt de sa demande d'asile et de la prise d'empreintes, tant le guide du demandeur d'asile que l'information spécifique sur la mise en oeuvre du règlement Dublin III. Ces documents lui ont été remis, sans le concours d'un interprète, en langue française qu'il a déclaré comprendre au cours du même entretien. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel le 12 avril 2017 dont a bénéficié M. C... est indiqué page 5 du compte-rendu qui en a été établi. Il a pu au cours de cet entretien faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes de ce compte-rendu, s'agissant notamment de son séjour en Italie, de sa situation familiale en France et de ses douleurs à la poitrine. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. C... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. A cet égard, si M. C... a fait valoir lors de l'entretien en préfecture qu'il " souffre de douleurs dans la poitrine ", il n'a jamais établi par la production de documents médicaux les défaillances de son état de santé. Il ne démontre pas qu'il est suivi en France à raison de l'hépatite B dont il est atteint. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux.
9. D'autre part, l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, et de son état de santé qui ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'est pas davantage établi qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
10. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indiquent les raisons pour lesquelles M. C...est assigné à résidence ainsi que la durée et les modalités de cette mesure. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.
11. En deuxième lieu, M. C... fait valoir que le préfet de la Sarthe n'a pas suffisamment caractérisé le risque qu'il puisse prendre la fuite, alors justement que la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le fait qu'il présente des garanties propres à prévenir ce risque. Toutefois, dès lors qu'une exécution de la décision d'éloignement restait, à la date de la décision en litige, une perspective raisonnable, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En troisième lieu, en imposant à M. C... de se présenter avec ses effets personnels tous les lundis, mercredis et vendredis à 8 h 00, en dehors des jours fériés, au commissariat de police du Mans, et alors que le requérant ne justifie d'aucune contrainte particulière, le préfet de la Sarthe n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Sarthe du 20 juillet 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03423