Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2016, MmeA..., représenté par Me Le Bourhis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2015 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus de titre de séjour et l'arrêté du 17 mars 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur les moyens, présentés à l'appui de la contestation de la décision implicite de refus de titre de séjour, tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision implicite de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté portant remise aux autorités italiennes n'est pas suffisamment motivé ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle peut se prévaloir des stipulations de l'accord franco-italien ;
- l'arrêté portant remise aux autorités italiennes est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet ne justifie pas avoir présenté une demande de réadmission auprès des autorités italiennes, lesquelles avaient seulement la faculté, et non l'obligation, de la réadmettre ;
- les stipulations du 3 de l'article 5 et du c) de l'article 6 de l'accord franco-italien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ont été méconnues ; le préfet était forclos pour demander à l'Italie sa réadmission ; à supposer que cette demande ait été présentée le 12 février 2015, date à laquelle elle a été invitée par le préfet à présenter ses observations notamment sur une éventuelle procédure de reprise en charge par les autorités italiennes, l'obligation de réadmission n'existait pas dans la mesure où elle séjournait sur le territoire français depuis plus de six mois ;
- les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont également été méconnues.
Une mise en demeure a été adressée le 18 avril 2016 au préfet d'Ille-et-Vilaine, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe), signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante sénégalaise née le 21 octobre 1987, est entrée en France, selon ses déclarations, le 3 février 2013 sous couvert d'un titre de séjour italien délivré le 3 janvier 2013 et valable jusqu'au 12 mai 2015 ; que, par un courrier reçu en préfecture le 8 novembre 2013, elle a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 17 mars 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande de titre de séjour et ordonné sa remise aux autorités italiennes ; que Mme A...relève appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande de titre de séjour, d'autre part, de l'arrêté du 17 mars 2015 du même préfet décidant sa remise aux autorités italiennes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté la demande de titre de séjour de MmeA..., par une décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois sur cette demande reçue en préfecture le 8 novembre 2013, il ressort toutefois des termes de l'arrêté contesté du 17 mars 2015 que la même autorité a pris une décision expresse refusant de délivrer à Mme A...le titre de séjour sollicité par celle-ci ; que cette décision a eu pour effet de rapporter la décision implicite de rejet opposée à la demande de titre de séjour présentée par Mme A...à laquelle elle s'est substituée ; que, dès lors, les conclusions de la demande dirigées contre cette décision implicite de rejet doivent être regardées comme dirigées contre la décision expresse contenue dans l'arrêté du 17 mars 2015 ;
3. Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqués au soutien des conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour du préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'étaient pas inopérants ; que le jugement attaqué doit, en raison de cette omission, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cette décision ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme A...tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions présentées par l'intéressée devant la cour ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. Patrice Faure, secrétaire général de la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; que celui-ci a reçu une délégation de signature par un arrêté du 24 juillet 2014 du préfet d'Ille-et-Vilaine régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 25 juillet 2014, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions portant refus de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de titre de séjour, doit être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
7. Considérant qu'en se bornant à faire état de sa présence en France depuis plus de deux ans, des violences qu'elle-même et son fils auraient subies de la part de sa belle-famille, sans en établir la réalité, de l'état de santé de ses deux enfants, dont il n'est pas allégué qu'ils ne pourraient pas bénéficier d'une prise en charge médicale en Italie ou au Sénégal, de la scolarité de son aîné et de la naissance de son second enfant sur le territoire français, Mme A...ne justifie ni de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a ni méconnu ces dispositions, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour sur ce fondement ;
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'accord conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière : " (...) 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. / 3. La demande de réadmission doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation par la Partie contractante requérante de la présence irrégulière sur son territoire du ressortissant d'un État tiers. " ;
9. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 5 de cet accord que la réadmission en Italie d'un ressortissant d'un Etat tiers titulaire d'un titre de séjour en cours de validité dans ce pays est notamment subordonnée à la présentation d'une demande en ce sens des autorités françaises auprès des autorités italiennes dans un délai de trois mois qui court à compter du constat de la présence irrégulière sur le territoire français de cet étranger ; qu'en l'espèce, en se bornant à soutenir que, selon les informations obtenues auprès du centre de coopération policière et douanière de Vintimille, les autorités italiennes donnent en principe leur accord à la réadmission de ressortissants étrangers dont le titre de séjour est expiré depuis plus de deux ans, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'établit ni avoir présenté aux autorités italiennes une demande de réadmission de MmeA..., ni avoir obtenu leur accord ; que, dès lors, l'arrêté du 17 mars 2015 décidant la remise de l'intéressée aux autorités italiennes est entaché d'illégalité et doit être annulé ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 17 mars 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine doit être rejetée et, d'autre part, que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il ordonne sa remise aux autorités italiennes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2015 décidant la remise de Mme A...aux autorités italiennes, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine procède à un nouvel examen de la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, lui délivre une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que Mme A...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Bourhis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à ce conseil de la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 17 mars 2015 portant refus de titre de séjour est rejetée.
Article 3 : L'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 17 mars 2015 décidant la remise de Mme A...aux autorités italiennes est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 5 : L'Etat versera à Me Le Bourhis, avocat de MmeA..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Loirat, président,
- Mme Rimeu, premier conseiller,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
C. Loirat
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 16NT003512