Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er mars 2016, M. A... D..., représenté par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la Géorgie comme pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen complet et approfondi de sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside sur le territoire français depuis plus de trois ans à la date de la décision contestée, son épouse et ses enfants disposant de cinq mois de séjour supplémentaire ; ses deux enfants sont scolarisés, l'ainé en 5ème et la plus jeune en grande section de maternelle ; l'ainé pratique le football et le karaté ; ses deux parents sont décédés ; les parents ainsi que le frère et la soeur de son épouse résident en France depuis de nombreuses années, sa soeur ayant obtenu la nationalité française ; l'ensemble de la famille B...vit en France ; ses enfants sont régulièrement pris en charge par leurs grands-parents ; son épouse a subi une intervention chirurgicale le 6 octobre 2015 afin de réaliser une tumorectomie du sein gauche en raison de douleurs persistantes ;
- le préfet a, pour les mêmes motifs, entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- Vu la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de MeC..., substituant Me F...représentant M. D....
1. Considérant que M. A... D..., ressortissant géorgien, est entré irrégulièrement en France le 12 février 2012 à l'âge de 39 ans, pour y rejoindre son épouse et leurs deux enfants mineurs, nés en Géorgie en 2003 et 2010, déjà présents depuis septembre 2011 sur le territoire français ; qu'il a sollicité, le 6 mars 2012, son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine ; que sa demande a été rejetée par une décision du 31 octobre 2012 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 novembre 2013 ; qu'il a, le 18 décembre 2013, demandé le réexamen de sa demande de statut de réfugié ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisi dans le cadre de la procédure prioritaire, a de nouveau rejeté la demande d'asile de M. D...par une décision du 13 février 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2014 ; que, par un arrêté du 29 juillet 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé à M. D...la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant la Géorgie comme pays à destination duquel il serait susceptible d'être renvoyé d'office ; que, par un jugement du 11 décembre 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes, après avoir renvoyé à une formation collégiale les conclusions de l'intéressé dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 29 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine, a rejeté les autres conclusions de sa demande; que M. D... relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 29 juillet 2015, du préfet d'Ille-et-Vilaine vise les stipulations conventionnelles, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les différentes dispositions législatives du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'autorité administrative a fait application pour décider d'obliger M. D...à quitter le territoire pour la Géorgie ; que contrairement à ce qui est avancé en appel, il vise expressément l'article L.511-1 I 3° ; qu'il mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M. D..., notamment les conditions de son séjour en France, les démarches entreprises par l'intéressé pour obtenir le bénéfice de l'asile, les décisions successives de rejet du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sur ses demandes, en rappelant précisément les motifs de rejet de sa demande de réexamen formée le 18 décembre 2013 ; que l'arrêté contesté décrit sa vie familiale et rappelle que son épouse fait également l'objet d'un arrêté du même jour portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que M. D...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français serait entaché d'une insuffisante motivation et que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à l'examen particulier et approfondi de sa situation personnelle, alors même, ainsi que l'ont rappelé pertinemment les premiers juges, qu'il n'aurait pas rappelé le rejet de la demande de titre de séjour présentée par son épouse en qualité d'étranger malade ; qu'enfin, ainsi qu'il a été rappelé au point 1 et comme l'atteste la chronologie des décisions intervenues sur les demandes de l'intéressé, M. D...n'est pas davantage fondé à soutenir, en appel et au demeurant au titre de l'illégalité externe de la décision contestée, que le préfet d'Ille-et-Vilaine " se serait saisi d'office de sa situation " pour lui opposer la décision contestée ;
3. Considérant, en second lieu et pour le surplus, que M. D...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges, tirés de ce que le préfet n'a, en obligeant M. D...à quitter le territoire français, pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il n'a pas pour les mêmes motifs entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision fixant la Géorgie comme pays de renvoi :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il ressort des pièces versées au dossier et ainsi qu'il a été rappelé au point 1. que les demandes d'asile formées par le requérant ont été rejetées à deux reprises par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 octobre 2012 et le 13 février 2014, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 27 novembre 2013 et 22 octobre 2014, autorités qui ont estimé les déclarations du couple sommaires et peu circonstanciées et les témoignages produits insuffisamment spontanés pour établir la réalité des faits allégués ; que si M. D...a soutenu devant le tribunal qu'il serait recherché par la police locale de son pays en se prévalant de trois attestations datées du mois de décembre 2013 émanant de son chirurgien-dentiste, de son ancien employeur et de son ancien propriétaire ainsi que de documents de l'agence nationale du registre civil de Tbilissi de janvier 2014, les premiers juges ont pu sans se méprendre sur la portée de ces documents ni méconnaitre la charge de la preuve, et contrairement à ce qui est avancé en appel, estimer que ces documents et témoignages, produits plusieurs années après les faits, étaient insuffisamment probants pour caractériser les menaces alléguées ; que M. D...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision fixant la Géorgie comme pays de destination a été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant la Géorgie comme pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 29 juillet 2015 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. D... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Gauthier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT00746