Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2015 sous le n°15NT03802, le ministre de l'intérieur demande, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1400826 du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 29 102,60 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 19 mai 2011 portant refus d'autorisation de travail.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué exposerait l'administration à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge ;
- qu'au vu des moyens développés dans sa requête d'appel n°15NT03801, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée ; et que, subsidiairement, l'Etat ne pourrait être condamné qu'à verser, au plus, qu'une somme de 13 287,06 euros.
Par un mémoire, enregistré le 24 février 2016, M.B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat, le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros par application des articles M. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la demande de sursis à exécution du jugement attaqué est irrecevable par voie de conséquence du caractère tardif de la requête d'appel n°15NT03801 ;
- cette demande est en tout état de cause non fondée au regard des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, en l'absence de difficultés financières particulières du défendeur, qui n'a pas de dettes.
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2015 sous le n°15NT03801, le ministre de l'intérieur a demandé à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 24 septembre 2015 et de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Caen.
M. B...a formé une demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Considérant que M. B..., ressortissant algérien, est entré le 18 septembre 2005 en France où il a séjourné régulièrement sous couvert d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant-élève " ; qu'à compter de mars 2008, il a travaillé à temps partiel sur le site de l'abattoir de Coutances pour le compte de la société MCI Services ; que par arrêté du 12 octobre 2010, le préfet du Calvados a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour " études ", au motif du manque de sérieux et de cohérence dans les études entreprises par l'intéressé et de son absence de progression, et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant l'Algérie comme pays de destination ; que la société MCI Services a sollicité, le 15 octobre 2010, une autorisation de travail le concernant, en vue de pourvoir l'emploi de sacrificateur " halal " et de l'embaucher par contrat à durée indéterminée à temps complet ; que, par une décision du 25 novembre 2010, le préfet du Calvados a refusé de délivrer une telle autorisation à M. B... ; que, par une ordonnance du 19 avril 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a suspendu cette décision et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. B... ; qu'en exécution de cette injonction, le préfet du Calvados a de nouveau, par une décision du 19 mai 2011, rejeté la demande d'autorisation de travail présentée par la société MCI Services ; que par un arrêt n°12NT01233 du 4 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé cette dernière décision et enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande d'autorisation de travail présentée par la société MCI Services au profit de M. B... ; que par une requête enregistrée sous le numéro 15NT03801, le ministre de l'intérieur a relevé appel du jugement n° 1400826 du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 29 102,60 euros en réparation du manque à gagner subi entre le 25 octobre 2010 et le 30 janvier 2013 du fait de l'illégalité de la décision du 19 mai 2011 portant refus d'autorisation de travail ; que par la présente requête, enregistrée sous le numéro 15NT03802, le ministre demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ; qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Sur la fin de non recevoir opposée par M.B... :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : " Lorsque le président du tribunal administratif, de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux constate que la minute d'une décision est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle non susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande. / La notification de l'ordonnance rectificative rouvre, le cas échéant, le délai d'appel ou de recours en cassation contre la décision ainsi corrigée " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une ordonnance du 7 octobre 2015, notifiée aux parties le 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a rectifié l'erreur matérielle affectant son jugement du 24 septembre 2015 qui prévoyait la notification au ministre chargé du travail et non au ministre de l'intérieur ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 741-11 du code de justice administrative que la requête enregistrée le 9 décembre 2015 sous le n°15NT03801 par laquelle le ministre de l'intérieur a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 24 septembre 2015, enregistrée au greffe de la cour le 9 décembre 2015, n'est pas tardive ; que par suite, la fin de non recevoir susvisée, tirée de ce que la présente demande tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué, serait irrecevable par voie de conséquence de la tardiveté de la requête d'appel, doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement attaqué :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-16 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies " ;
6. Considérant que, lorsqu'il est fait appel d'un jugement prononçant une condamnation pécuniaire et lorsqu'il se prononce sur une demande de sursis à exécution d'un tel jugement sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative, le juge d'appel doit, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment du montant de la somme en cause, de la situation du bénéficiaire de ladite condamnation et de celle de ses créanciers, apprécier le risque de perte définitive de la somme que l'appelant a été condamné à payer ;
7. Considérant que l'Etat a été condamné à verser une somme de 29 102,60 euros à M. A...B..., en réparation du préjudice financier tenant à la perte d'une chance sérieuse d'avoir pu exercer l'emploi de sacrificateur halal offert par la société MCI Services, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée prévoyant une durée mensuelle de travail de 155 heures et une rémunération au SMIC, entre le 25 novembre 2010 et le 30 janvier 2013, date à laquelle M. B...a été mis en possession d'un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " en raison de son mariage avec une ressortissante française, ce titre de séjour l'autorisant à travailler ; qu'il ressort des pièces produites devant le tribunal administratif de Caen dans l'instance n°1400826, et en particulier de l'avis d'imposition du couple établi en 2014 et portant sur les revenus de 2013, que M. B...n'a perçu que 3 871 euros de salaires, tandis que son épouse a déclaré 20 638 euros de salaires ; que l'intéressé a produit en outre deux bulletins de paye concernant les mois de janvier et mars 2014, émanant de la DRFIP de Loire-Atlantique et mentionnant qu'il a été employé par le rectorat de Nantes en qualité de vacataire et qu'il a perçu à ce titre une rémunération nette de 56,30 euros en janvier, et 2,25 euros en mars, tandis que son épouse, professeur contractuel, a perçu pour ces mêmes mois de janvier et mars 2014, une rémunération nette respective de 2 041,79 euros et 719,29 euros ; que, dans ces conditions, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir qu'en l'absence de certitude quant à la solvabilité de l'intéressé et eu égard à l'importance de la somme allouée, l'exécution du jugement attaqué risquerait d'exposer l'Etat à la perte définitive de la somme de 29 102,60 euros, qui ne devrait pas rester à sa charge au cas où les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de ce même jugement seraient reconnues fondées par la cour ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1400826 du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 29 102,60 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 19 mai 2011 portant refus d'autorisation de travail ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser au conseil de M. B...une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. B...est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Jusqu'à ce que la cour ait statué sur la requête du ministre de l'intérieur enregistrée à la cour sous le n°15NT03801, tendant à l'annulation du jugement n° 1400826 du 24 septembre 2015 du tribunal administratif de Caen, il sera sursis à l'exécution dudit jugement.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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