Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018, M.A..., représenté par Me D...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 mai 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 3 et 4 mai 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, l'a assigné à résidence et, d'autre part, a décidé son transfert aux autorités italiennes ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire l'obligation de pointage au commissariat d'Angers à une fois par semaine ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 17 et du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors, d'une part, que le préfet sous-estime la situation de son pays d'origine qu'il a dû fuir et, d'autre part, que l'Italie n'est pas en mesure d'examiner sa demande d'asile compte tenu des défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs et les procédures d'asile du fait de l'afflux de migrants ;
en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- il n'existe aucune perspective raisonnable d'exécution de la décision de remise à l'Italie ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la fréquence de l'obligation de pointage est disproportionnée alors qu'il n'a pas l'intention de quitter la France et qu'il est traité au C.H.U d'Angers pour une tuberculose.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 août et 17 octobre 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tiger-Winterhalter a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen né le l0 janvier 1998, est entré irrégulièrement en France. Il a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 28 mars 2018. Informé de ce que l'intéressé avait déjà été enregistré en Italie les 21 et 23 mars 2017, par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac ", le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. A...sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté cette reprise en charge le 12 avril 2018. Par deux décisions des 3 et 4 mai 2018, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante cinq jours et, d'autre part, a ordonné la remise de M. A...aux autorités italiennes. M. A...relève appel du jugement du 18 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
3. D'une part, la décision de transfert de M. A...aux autorités italiennes n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine mais seulement de le remettre à l'Italie, responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dès lors, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet aurait sous-estimé les risques qu'il allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine pour contester la décision de remise aux autorités italiennes.
4. D'autre part, M. A...fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si M. A...fait valoir qu'il souffre de tuberculose, il ne verse au dossier aucune pièce, notamment médicale, de nature à justifier cette allégation et à établir que son état de santé le rendrait particulièrement vulnérable au point de l'exposer en Italie à des risques de traitements inhumains ou dégradants, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
5. En premier lieu, selon l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ...". L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci. La seule circonstance que M. A...a entendu contester la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes n'établit pas que l'exécution de cette mesure ne demeurerait pas une perspective raisonnable.
6. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par ailleurs, selon l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
7. L'arrêté assignant M. A...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 10 heures, sauf les week-ends et jours fériés, au commissariat de police d'Angers. La circonstance que l'intéressé n'a pas l'intention de quitter la France ne peut que rester sans incidence sur la légalité de la décision contestée en tant qu'elle met à sa charge les obligations précitées de pointage. Par ailleurs, si le requérant soutient que ces obligations " sont disproportionnées " au regard de son état de santé, il ne produit pas d'éléments justifiant que son état serait incompatible avec cette obligation journalière de pointage et ne justifie d'aucune difficulté particulière ou de l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion. Dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, sans même qu'il soit nécessaire de la réduire, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 3 et 4 mai 2018 du préfet de Maine-et-Loire. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par M. A...tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
La rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterLe président,
L. Lainé
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT02347 2
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