Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juin 2018, M. A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 4 mai 2018 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Espagne :
- les dispositions des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues notamment au regard de son état de santé ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...E...A..., né le 3 août 1995, de nationalité guinéenne, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 11 mars 2018. Il y a sollicité l'asile, le 16 mars 2018, auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Espagne le 22 février 2018. Par deux arrêtés du 4 mai 2018, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, qui avaient accepté expressément sa prise en charge le 11 avril 2018, et son assignation à résidence. M. A...relève appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
2. Selon le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : "(...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
3. D'une part, la décision de remise de M. A...aux autorités espagnoles n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner en Guinée, mais seulement de le remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet de Maine-et-Loire aurait sous-estimé le risque de représailles dans son pays d'origine pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités espagnoles.
4. D'autre part, si M. A...justifie qu'une opération chirurgicale était programmée le 18 juillet 2018 pour procéder à l'enlèvement d'un kyst de 4 centimètres sur son occiput présent depuis plusieurs années, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier en Espagne des soins appropriés à son état de santé ni que celui-ci serait incompatible avec le voyage vers l'Espagne. Dès lors, et alors que M. A...se borne à faire valoir en outre que les autorités espagnoles seraient dans l'incapacité d'examiner sa demande d'asile dans les meilleures conditions dès lors qu'il ne parle pas l'espagnol, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance du droit constitutionnel d'asile et des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...)1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement dès lors que cette mesure demeure une perspective raisonnable.
6. D'autre part, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par ailleurs, selon l'article R. 561-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.
8. En deuxième lieu, la seule circonstance tirée de ce que M. A...a contesté l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, y compris en appel, n'est pas de nature à démontrer que l'exécution de cette mesure d'éloignement ne demeurait pas, à la date de son assignation à résidence, une perspective raisonnable.
9. En troisième et dernier lieu, M. A...ne justifie d'aucune difficulté particulière de nature à établir qu'en lui imposant de se présenter quotidiennement au commissariat de police d'Angers, à l'exclusion des week-ends et jours fériés, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 4 mai 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... E...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02495