Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2018, M. A... B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2018 du préfet de la Vendée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de réadmission en Italie est insuffisamment motivée ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de son état de santé ;
- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... B...n'est fondé.
M. A... B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- les observations de MeD..., représentant M. A...B....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A...B..., ressortissant somalien né le 1er janvier 1992, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 4 août 2017 et y a sollicité l'asile, le 4 octobre 2017, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 24 mai 2016, en Suisse le 31 mai 2016 et le 19 décembre 2016 en Allemagne. Par un arrêté du 7 mai 2018, le préfet de la Vendée a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa reprise en charge, les autorités suisses et allemandes ayant refusé. M. A... B...relève appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
3. L'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le préfet de la Vendée a décidé le transfert de M. A... B...en Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment l'article 13 de ce règlement, et mentionne qu'il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. A... B...dans le système Eurodac que ce dernier a franchi irrégulièrement la frontière italienne, puis a sollicité l'asile en Suisse et en Allemagne. Cet arrêté mentionne que les autorités allemandes et suisses ont refusé de reprendre en charge l'intéressé en mentionnant la responsabilité des autorités italiennes. Il en déduit que les autorités italiennes sont responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ces énonciations ont mis à même M. A... B...de comprendre les motifs de fait et de droit de la décision, lui permettant de la contester utilement. Il suit de là que cette décision est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. M. A...B...soutient qu'il a reçu tardivement, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, l'information prévue par les dispositions susmentionnées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'elle aurait dû lui être délivrée lors de l'introduction de sa demande d'asile le 28 septembre 2017, date à laquelle il s'est présenté au guichet unique des demandeurs d'asile en préfecture de la Loire-Atlantique. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition du règlement, ni d'aucun principe, que l'information prévue à l'article 4 du règlement doive être délivrée préalablement à l'enregistrement de la demande d'asile au guichet unique et avant même que les services préfectoraux soient informés de ce que le demandeur ne relève pas de la compétence de la France et se trouve, pour ce motif, placée sous procédure Dublin en application de l'article 20 du même règlement, dans l'attente de la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande. Or, en l'espèce, le préfet de la Vendée n'a été informé de ce que le requérant était susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement que le 4 octobre 2017, lors du relevé de ses empreintes décadactylaires. Ainsi, M. A...B..., qui ne conteste pas avoir reçu les brochures nécessaires à son information avant l'arrêté contesté de transfert aux autorités italiennes, n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été délivrée en temps utile ou qu'il aurait été privé d'une garantie substantielle, alors qu'il conservait la possibilité de faire valoir toute observation utile au regard de sa situation, et pouvait contester son transfert ou en demander la suspension. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
6. En troisième lieu aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas privé M. A... B...de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 4 octobre 2017, s'agissant de son séjour en Italie, en Allemagne et en Suisse et de sa situation personnelle. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la pathologie qui affecte l'état de santé de M. A...B...avait été détectée avant la tenue de cet entretien. Enfin, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A... B...et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. À cet égard, si M. A... B...justifie qu'il est atteint d'une hépatite B, il n'établit pas par la production de documents médicaux avoir informé le préfet de la Vendée de la défaillance de son état de santé avant la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux.
10. D'autre part, l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, et de son état de santé qui ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Si M. A...B...fait valoir qu'il est atteint d'une hépatite B qui n'a été détectée qu'à son arrivée en France, il se borne à produire des résultats positifs de sérologie et des convocations pour des examens complémentaires. Ces documents n'indiquent pas que M. A...B...ne pourrait voyager sans risque ni qu'il lui serait impossible de bénéficier de soins appropriés en Italie. Ainsi, par les pièces produites, il n'est pas établi que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si M. A...B...fait valoir qu'il craint pour sa vie en cas de renvoi par les autorités italiennes en Somalie, en raison de la situation de violence généralisée qui prévaut dans ce pays, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers son pays d'origine, mais seulement de prononcer son transfert en Italie. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Vendée du 7 mai 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02774