Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2018, M.A..., représenté par MeC..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2018 par lequel le préfet du Morbihan a décidé sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de l'admettre au séjour au titre de l'asile à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- le préfet a méconnu le droit à un entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et son droit d'être entendu ;
- le préfet a méconnu l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce qu'il aurait dû prendre en compte son parcours en Italie où il a subi des traitements inhumains et dégradants et compte tenu du fait que l'Italie ne peut plus faire face à l'afflux de migrants qui arrivent sur son territoire ;
- il existe un risque de violation des dispositions des articles 3, 5, 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu le courrier du préfet du Morbihan du 28 septembre 2018 attestant que l'arrêté du 14 mars 2018 a été exécuté.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant soudanais, est entré irrégulièrement en France le 5 juillet 2017. Il a sollicité le 16 août 2017 son admission provisoire au séjour au titre de l'asile. L'examen de sa situation administrative et la consultation du système d'information " Eurodac " ont révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées par les autorités italiennes le 28 mai 2017. Le 22 août 2017, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de prise en charge du requérant sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013. Elles ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 23 octobre 2017. Par un arrêté du 14 mars 2018, le préfet du Morbihan a décidé la remise de M. A...aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisi par M. A...d'une demande d'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige portant remise de M. A...aux autorités italiennes comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté fait état de la situation personnelle de M. A...et le préfet du Morbihan a procédé à un examen sérieux et complet de sa situation, en relevant notamment que l'intéressé n'établissait pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé prend la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'un entretien individuel le 16 août 2017 en langue arabe, langue que M. A...a déclaré comprendre. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement européen (UE) susvisé du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. "
6. M. A...soutient que l'Italie rencontre actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile. Toutefois, il n'établit pas que ces circonstances exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet du Morbihan, qui a visé les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, a indiqué que la situation de M. A...ne relevait pas des dérogations prévues par cet article du règlement et qu'il n'établissait pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France. Dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3, 5, 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT03067