Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2018, MmeC..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes du 13 mars 2018 en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le préfet du Morbihan a décidé sa remise aux autorités tchèques ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de l'admettre au séjour au titre de l'asile à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;
- elle n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la transférer en République Tchèque constituerait une atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les dispositions des articles 3, 5, 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses problèmes de santé et de la présence en France de ses deux fils dont elle dépend du fait des ses problèmes de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu l'information du préfet du Morbihan relative à la prolongation des délais de transfert de l'intéressée pour cause de fuite.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante arménienne, est, selon ses déclarations, entrée régulièrement sur le territoire français le 2 juillet 2017. Elle a sollicité le 24 août 2017 son admission provisoire au séjour au titre de l'asile. La consultation du système de fichier " Visabio " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressée avaient été enregistrées pour la délivrance d'un passeport portant visa " C " délivré par l'Arménie pour la République Tchèque le 21 juin 2017 d'une validité allant du 2 juillet 2017 au 23 juillet 2017. Le 26 septembre 2017, les autorités tchèques, saisies d'une demande de prise en charge de la requérante sur le fondement de l'article 12-4 du règlement (UE) n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 11 octobre 2017. Par un arrêté du 1er mars 2018, le préfet du Morbihan a décidé la remise de Mme C...aux autorités tchèques, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisie par Mme C...d'une demande d'annulation de cet arrêté, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige portant remise de Mme C...aux autorités tchèques comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté contesté fait état de sa situation personnelle et le préfet du Morbihan a procédé à un examen sérieux et complet de sa situation, en relevant notamment que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressée ne relevait pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a fait l'objet d'un entretien individuel le 24 août 2017 en langue arménienne. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 des dispositions du règlement européen (UE) susvisé du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. "
6. Si Mme C...fait valoir la présence en France de ses deux fils majeurs, Armen et KhachikC..., titulaires d'une carte de résident et d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", elle n'établit pas l'intensité de ses liens familiaux avec ces derniers, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle est mère d'un autre enfant se trouvant en Allemagne et " qu'elle ne sait pas où est le quatrième ". Elle n'établit pas en outre l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine. Aucun élément du dossier ne permet d'attester que l'état de santé de la requérante, atteinte de diabète et d'hypertension artérielle, s'opposerait à son transfert en République Tchèque ou que l'intéressée ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée à son état de santé dans ce pays. Les affirmations de Mme C... selon lesquelles elle dépendrait de ses deux fils du fait de ses problèmes de santé ne reposent sur aucun élément. Dans ces conditions, la requérante ne fait valoir aucune circonstance particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France. Dès lors, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3, 5, 6, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT03069