Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2018, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 31 mai 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes et prononcé son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités allemandes :
- l'arrêté contesté porte atteinte aux dispositions des articles 17 et 3-2 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 dès lors, d'une part, que le préfet sous-estime la situation de son pays d'origine qu'elle a dû fuir et, d'autre part, que l'Allemagne n'est pas en mesure d'examiner sa demande d'asile ; elle a appris que sa demande d'asile dans ce pays a été rejetée et elle fait l'objet d'une décision d'éloignement ;
en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- il n'existe aucune perspective raisonnable d'exécution de la décision de remise à l'Allemagne ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que la fréquence de l'obligation de pointage est disproportionnée alors qu'elle n'a pas l'intention de quitter la France et que son état de santé l'empêche de pouvoir se déplacer chaque jour au commissariat d'Angers, elle pourrait être réduite à une fois par semaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tiger-Winterhalter a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante géorgienne née le 10 mai 1961, est entrée irrégulièrement en France le 2 mai 2018. Elle a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 14 mai suivant. Informé par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac " de ce que l'intéressée avait déjà été enregistrée en Allemagne les 5 septembre 2013 et 11 décembre 2017, le préfet de Maine-et- Loire a saisi les autorités de ce pays d'une demande de reprise en charge de Mme D...sur le fondement de du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités allemandes ont explicitement accepté cette reprise en charge le 24 mai 2018. Par deux décisions du 31 mai 2018, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de Mme D... aux autorités allemandes et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département pour une durée de quarante cinq jours. Mme D...relève appel du jugement du 19 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités allemandes :
2. En premier lieu, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
3. D'une part la décision de remise de Mme D...aux autorités allemandes n'a ni pour objet ni pour effet de la contraindre à retourner en Géorgie, mais seulement de la remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement se prévaloir des évènements survenus dans son pays d'origine pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités allemandes.
4. D'autre part, si Mme D...fait valoir que les autorités allemandes ont rejeté sa demande d'asile et pris une mesure d'éloignement à son encontre, elle n'en justifie aucunement et, au surplus, se borne à invoquer la dégradation de la situation géopolitique en Géorgie sans préciser en quoi elle serait personnellement exposée à des persécutions en cas de retour dans son pays. Ainsi, les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 17 et du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
5. En premier lieu, selon l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;...". L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci. La seule circonstance que Mme D...a entendu contester la décision ordonnant sa remise aux autorités allemandes n'établit pas que l'exécution de cette mesure ne demeurerait pas une perspective raisonnable.
6. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par ailleurs, selon l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
7. L'arrêté assignant Mme D...à résidence lui impose de se présenter " tous les lundis, mercredis et jeudis sauf les week-ends et jours fériés " à 15 heures, au commissariat de police d'Angers. La circonstance que l'intéressée n'a pas l'intention de quitter la France ne peut que rester sans incidence sur la légalité de la décision contestée en tant qu'elle met à sa charge les obligations précitées de pointage. Par ailleurs, si la requérante soutient que ces obligations " sont disproportionnées ", dès lors que son état de santé rend impossible de tels déplacements quotidien, elle ne produit pas d'éléments justifiant que son état de santé serait incompatible avec cette obligation de pointage et ne justifie d'aucune difficulté particulière ou de l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion. Dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article R.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 31 mai 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités allemandes et, d'autre part, l'a assignée à résidence. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
La rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterLe président,
L. Lainé
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT02945 2
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