Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2020, Mme D... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Espagne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, subsidiairement, de prendre une nouvelle décision sur sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation marquée par sa grande vulnérabilité liée à son état de grossesse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., ressortissante guinéenne née le 15 juillet 2000, déclarant être entrée en France en juillet 2020, a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire le 3 août 2020. Les recherches entreprises sur le fichier " EURODAC " ont révélé qu'elle avait irrégulièrement franchi la frontière espagnole dans les douze mois précédant l'enregistrement de sa demande d'asile. Les autorités espagnoles, saisies d'une demande de transfert le 4 août 2020, ont fait connaitre leur accord explicite le 10 août suivant. En conséquence, le préfet de Maine-et-Loire a édicté le 12 août 2020 un arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités espagnoles. Par un jugement du 26 novembre 2020, dont Mme B... relève appel, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, que Mme B... reprend en appel, doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".
4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 3 août 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressée le 3 août 2020, sont rédigés en français et leur contenu a été porté à sa connaissance en langue soussou lors de l'entretien du même jour où elle était assistée d'un interprète dans cette langue, sachant qu'elle se déclare analphabète. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que seules les pages de garde des documents cités lui auraient été communiquées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
7. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme B... qu'elle a bénéficié le 3 août 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue soussou, avec le concours d'un interprète. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Enfin, alors qu'il n'est pas même soutenu que Mme B... aurait demandé la communication du résumé de cet entretien dressé par l'administration, elle ne peut utilement soutenir que ce document n'a pas été mis à sa disposition. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. S'il est établi que Mme B... était enceinte de six mois à la date de la décision préfectorale, et qu'elle était médicalement suivie pour ce motif, les pièces au dossier n'établissent pas que son état de grossesse la plaçait dans une situation de particulière vulnérabilité. Par ailleurs, à la même date elle ne séjournait en France, pays où elle n'a pas d'attache, que depuis un mois, alors que le père de son enfant à naitre résidait alors, selon ses déclarations, au Maroc. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que, faute d'un examen complet de sa situation, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03828