Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, M. A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes 9 août 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2017 du préfet de la Vendée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, à titre principal, de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer durant ce réexamen une attestation de demandeur d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de réadmission est insuffisamment motivé ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national ;
- cette décision est entachée d'un défaut de base légale dès lors que le critère de détermination de l'Etat membre responsable, à savoir la Pologne, n'est pas mentionné ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 16 du règlement 604/2013 ; sa soeur, qui réside en France, a déposé une demande d'asile ; elle est dépendante de son frère compte tenu de la fragilité de son état de santé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen détaillé de sa situation et a entaché sa décision d'une erreur de droit au regard de l'article 18 du règlement 604/2013 ;
- en cas de renvoi en Pologne, il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 28 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant russe né le 19 juillet 1988 à Grozny, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 25 janvier 2017 et y a sollicité l'asile, le 21 février 2017, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Pologne le 26 octobre 2016. Par un arrêté du 9 juin 2017, le préfet de la Vendée a ordonné sa remise aux autorités polonaises, qui avaient accepté explicitement sa reprise en charge le 7 mars 2017. M. A... relève appel du jugement du 9 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. A... aux autorités polonaises comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Contrairement à ce que prétend le requérant, le préfet de la Vendée a indiqué dans cet arrêté que la Pologne était responsable de sa demande d'asile et mentionné la présence en France de sa soeur qui a également déposé une demande d'asile. Ainsi, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier de sa demande doivent être écartés.
3. En deuxième lieu aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas privé M. A... de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 22 mars 2017, s'agissant de son séjour en Pologne et de la présence en France de sa soeur. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, l'arrêté contesté indique que M.A..., qui a déclaré être entré irrégulièrement en France le 25 janvier 2017, a également séjourné en Pologne où ses empreintes ont été relevées le 26 octobre 2016, soit depuis moins d'un an. Dans ces conditions, M. A...était en mesure de contester utilement le critère de détermination du pays responsable de sa demande d'asile, alors même que cet arrêté ne mentionne pas l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 16 même règlement : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit... " . Il ne ressort pas des pièces du dossier que la soeur de M.A..., qui réside légalement en France et qui souffre d'un trouble anxio-dépressif, serait dépendante de l'assistance de ce dernier au sens de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
7. En cinquième lieu, le préfet a demandé le 21 février 2017 aux autorités polonaises de reprendre en charge M. A...sur le fondement du b) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en mentionnant que si M. A...l'avait informé du dépôt d'une demande d'asile en Pologne, il ignorait si cette demande était encore en cours d'examen, l'intéressé n'ayant pas donné d'indication précise sur ce sujet. Les autorités polonaises ont accepté la reprise en charge de M. A...le 7 mars 2017 en se fondant sur les dispositions du d) de l'article 18, la demande d'asile dans ce pays ayant été rejetée. Il s'ensuit que le préfet de la Vendée, qui a procédé à un examen complet de la situation de M.A..., n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit en indiquant que son arrêté de remise aux autorités polonaises était fondé sur le d) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A... et des conséquences de sa réadmission en Pologne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. Par ailleurs, le requérant n'établit pas qu'il aurait fait l'objet en Pologne d'une décision définitive d'éloignement dont l'exécution serait inévitable en cas de transfert dans ce pays. Enfin, l'intéressé fait état d'éléments généraux sur la porosité de la frontière entre la Pologne et les républiques du Caucase Nord et des décisions de la commission européenne de mener une enquête préliminaire sur des réformes controversées du nouveau gouvernement polonais et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur les carences des autorités polonaises en matière de relocalisation. Toutefois, il n'est pas établi qu'à la date de la décision contestée M. A...était personnellement exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Pologne ni que l'examen de sa demande d'asile par cet Etat, membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne précitée, ne présenterait pas l'ensemble des garanties requises par le droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision de remise aux autorités polonaises d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ou méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Vendée du 9 juin 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00308