Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2018, M. A...B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 19 décembre 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant de la décision de remise aux autorités italiennes :
- la décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, de celles de l'article 5 de ce même règlement, et de celles des articles 26 de ce règlement et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
s'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de remise aux autorités italiennes ;
- la décision méconnaît les dispositions des articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en remettre à ses écritures de première instance.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Besse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant soudanais né le 25 mars 1992 et déclarant être entré en France au mois d'août 2017, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 11 octobre 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Italie, où il a sollicité l'asile le 29 juin 2017. La préfète de la Loire-Atlantique a alors saisi les autorités italiennes le 12 octobre 2017 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté cette reprise en charge. Par des décisions du 19 décembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a décidé de remettre M. A...B...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. A...B...relève appel du jugement du 22 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 11 octobre 2017 avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté, que M. A... B...a reçu le même jour communication du guide du demandeur d'asile et des brochures d'information qui comportent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, rédigés en arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. M. A... B...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits en qualité de demandeur d'asile, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. A...B...ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision portant remise aux autorités italiennes le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information prévue par les dispositions du 1 de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Par ailleurs, l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire ". Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. A...B...le 11 octobre 2017 qu'il a bénéficié le même jour, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en arabe, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté. Il n'est à cet égard pas démontré que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. A...B...de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de tenir pour établi que ce même entretien individuel n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité et le respect des exigences de l'article 5 précité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et de celles de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe, cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. Si M. A...B...fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie et des mauvaises conditions dans lesquelles il aurait été traité dans ce pays, les documents qu'il produit à l'appui de ces allégations ne permettent pas d'établir que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète de la Loire-Atlantique au regard des dispositions précitées des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire en France la demande d'asile de M. A...B..., doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
8. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
9. En premier lieu, il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que M. A...B...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, le requérant présentait des garanties propres à prévenir tout risque de fuite et que l'exécution de la décision de son transfert vers l'Italie demeurait une perspective raisonnable. En conséquence, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Elle constitue ainsi une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont le défaut ou les éventuelles irrégularités sont sans incidence sur la légalité de cette décision. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le formulaire d'information relatif aux droits et obligations des personnes assignées à résidence, prévu par l'article R. 561-5 précité, n'aurait pas été remis à M. A...B...doit être écarté comme inopérant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 décembre 2017. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00942