3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de trois mille euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement n'est signé ni par le président, ni par le rapporteur, ni par la greffière en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision du 5 avril 2019 est insuffisamment motivée ; l'administration n'a pas répondu à ses observations orales et écrites ; l'indication des fondements juridiques de la décision est insuffisante ;
- la décision du 5 avril 2019 est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; la décision n'est pas justifiée par une mesure de protection et de sécurité conformément à l'article 726-1 du code de procédure pénale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2022, le Garde des Sceaux conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est incarcéré au sein du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne) depuis le 14 mars 2018. Par une décision du 3 avril 2019, le directeur du centre pénitentiaire l'a placé à l'isolement en urgence. Après avoir recueilli ses observations le 5 avril 2019, par une décision du même jour, le directeur du centre pénitentiaire l'a placé à l'isolement pour une période de trois mois maximum. M. A... relève appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 5 avril 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué du 25 janvier 2021 est revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière. Le moyen tiré du défaut de signature doit, par suite, être écarté comme manquant en fait. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire. / Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits visés à l'article 22 de la loi no 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité. ". L'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale dispose que : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire. / La personne détenue placée à l'isolement est seule en cellule. / Elle conserve ses droits à l'information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique, à l'exercice du culte et à l'utilisation de son compte nominatif. / Elle ne peut participer aux promenades et activités collectives auxquelles peuvent prétendre les personnes détenues soumises au régime de détention ordinaire, sauf autorisation, pour une activité spécifique, donnée par le chef d'établissement. / Toutefois, le chef d'établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité de la personne détenue, des activités communes aux personnes détenues placées à l'isolement. / La personne détenue placée à l'isolement bénéficie d'au moins une heure quotidienne de promenade à l'air libre ". Par ailleurs, l'article R. 57-7-64 du même code dispose que : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. / Si la personne détenue ne comprend pas la langue française, les informations sont présentées par l'intermédiaire d'un interprète désigné par le chef d'établissement. Il en est de même de ses observations, si elle n'est pas en mesure de s'exprimer en langue française. / Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. / Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice. / La décision est motivée. Elle est notifiée sans délai à la personne détenue par le chef d'établissement ". Par ailleurs, l'article 2 de la fiche 10 " L'isolement " du règlement intérieur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe dispose que : " Le placement à l'isolement ne peut être décidé que par mesure de protection ou de sécurité. / L'isolement administratif à l'initiative de l'administration : / (...) La décision motivée de placement à l'isolement est notifiée à la personne détenue sans délai, et
en tout état de cause, selon le cas, avant son placement à l'isolement, avant la fin du placement provisoire, ou avant la fin de la mesure en cours (...) ". L'article 3 de cette même fiche dispose que : " Les personnes détenues placées au quartier d'isolement conservent l'intégralité de leurs droits en termes d'accès à l'information, de correspondance, d'exercice du culte ou d'utilisation de leur compte nominatif. L'exercice de ces droits peut toutefois être aménagé afin d'éviter les contacts entre les personnes détenues isolées et les autres personnes détenues. / L'isolement cellulaire / Les cellules du quartier d'isolement ont un ameublement identique à celui des cellules de détention ordinaire. / Les activités / Les personne détenues isolées ne peuvent pas se rendre en promenade avec les autres personnes détenues. La promenade est donc organisée de manière individuelle dans une cour spécifique. / Le regroupement entre quelques personnes détenues au quartier d'isolement peut exceptionnellement être autorisé par le chef d'établissement si leur personnalité ou les motifs de placement le permettent. / Le quartier d'isolement dispose d'installations sportives. / Les personnes détenues isolées ne peuvent participer aux activités collectives prévues pour les personnes détenues du quartier ordinaire de détention. A titre exceptionnel, le chef d'établissement peut donner une autorisation individuelle pour une activité spécifique, si la personnalité de l'intéressé et les motifs de placement à l'isolement le permettent, et après avoir évalué les conséquences pour la sécurité des personnes ou de l'établissement. / Les personnes détenues ont la possibilité de suivre des cours par correspondance. / Elles ne participent pas aux offices célébrés en détention sauf autorisation individuelle accordée par le chef d'établissement. En accord avec les représentants des différents cultes, des offices particuliers peuvent être mis en place. Les pratiques religieuses non encadrées par un représentant d'un culte agréé par l'administration pénitentiaire ne peuvent avoir lieu qu'en cellule. / Les personnes détenues ont accès à la lecture par le biais de la bibliothèque du quartier d'isolement qui dispose d'un fond de livres et de documentaires renouvelés régulièrement. / L'emploi du temps du quartier d'isolement pour les activités de promenade, sport, activités internes, est déterminé par voie d'une note d'organisation affichée en détention (...) ".
5. En premier lieu, la décision du 5 avril 2019 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe a ordonné le placement à l'isolement de M. A... comporte l'exposé détaillé des considérations de fait qui la fondent. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort ni des dispositions de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale, qui instituent l'obligation de motivation de ce type de décision, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que la motivation de cette décision devrait répondre à l'ensemble des arguments développés par l'intéressé au cours de la procédure contradictoire préalable. Par ailleurs, elle vise les dispositions de l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale qui définissent le placement à l'isolement et les articles suivants du même code qui précisent la procédure applicable et indique donc avec suffisamment de précision son fondement juridique. Il suit de là que la décision du 5 avril 2019 est suffisamment motivée et ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale.
6. En second lieu, le placement à l'isolement de M. A..., ayant été décidé contre son gré, constitue une mesure de police destinée à prévenir les atteintes à la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou des personnes. Il appartient à l'autorité prenant une telle décision d'examiner, sous le contrôle du juge, si le comportement du détenu, apprécié à la date de la décision contestée, révèle des risques de troubles incompatibles avec son retour au régime ordinaire de détention.
7. Il ressort des pièces du dossier que, le 5 mars 2019, des surveillants pénitentiaires ont été grièvement agressés au couteau par un détenu et son épouse au sein de l'unité de vie familiale du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe. A la suite de cette agression, un blocage de l'établissement par les agents a été organisé, ayant de fortes répercussions sur la vie quotidienne des détenus. Par ailleurs, par une note du 26 mars 2019, le directeur du centre pénitentiaire a institué de nouvelles règles de sécurité pour l'accès des familles des détenus au sein de l'établissement. Dans ce contexte particulier et extrêmement tendu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de la sanction par ailleurs prononcée le 4 avril 2019 à l'encontre de M. A..., que celui-ci a le 23 mars 2019 tenu des propos insultants dans l'interphone de sa cellule à l'égard du personnel pénitentiaire, susceptibles d'être interprétés comme des menaces. Enfin, il ressort également des pièces du dossier, notamment du courrier adressé au directeur de l'établissement le 3 avril 2019 par M. A..., que ce dernier a réagi de manière inappropriée et violente à l'annonce des nouvelles modalités de contrôle des familles. Dans ces conditions, compte tenu du contexte particulièrement tendu de l'établissement, et des deux incidents ayant impliqué M. A... en peu de temps, le directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe n'a commis ni erreur manifeste d'appréciation ni erreur de droit en ordonnant le 5 avril 2019 le placement à l'isolement de l'intéressé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe du 5 avril 2019.
Sur les frais du litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me David et au Garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
La rapporteure,
M. BÉRIA-GUILLAUMIELe président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au Garde des Sceaux en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02797