Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Pronost, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- elle est entachée d'erreurs de fait portant sur son insertion professionnelle et personnelle en France et sur son séjour continu dans ce pays entre 2012 et 2014 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet lui ayant opposé le refus de séjour en litige en faisant application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pas du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 25 décembre 1976, est entré sur le territoire français en 2012. Le 29 janvier 2015, il a fait l'objet d'un premier refus de certificat de résidence pour motif de santé sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, refus de séjour devenu définitif à la suite de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nantes le 2 juin 2016, qui rejetait la requête dirigée contre un jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 juin 2015. M. B... a sollicité, à une date non précisée, la délivrance d'un autre certificat de résidence, portant la mention " salarié ", sur le fondement de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet de la Loire-Atlantique a, par un arrêté du 8 octobre 2019, refusé la délivrance du titre de séjour sollicité et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination de l'intéressé. M. B... relève appel du jugement du 19 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2019 du préfet de la Loire-Atlantique.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision contestée qu'elle vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, notamment son article 6-5, ainsi que les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait par ailleurs état des circonstances de la présence en France de M. B... depuis 2012, de sa situation personnelle et familiale et de la présentation, au soutien de sa demande de titre de séjour, d'une promesse d'embauche en qualité d'étancheur au sein d'une société française. La décision en litige comporte dès lors les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ". Il résulte de l'ensemble de ces stipulations que l'obtention d'un visa de long séjour et la production d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi sont les conditions cumulatives nécessaires pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ". A supposer même, comme le soutient le requérant, que le préfet ait commis une erreur de droit en fondant son refus de titre de séjour sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur les articles 7 b et 9 de l'accord franco-algérien, seuls applicables en l'espèce mais ayant la même substance, une telle erreur est, en tout état de cause, sans incidence sur la situation de M. B... qui ne remplit aucune des conditions exigées par ces stipulations, de sorte que le préfet de la Loire-Atlantique était tenu de rejeter la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé sur ce fondement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de refus d'admission du préfet de la Loire-Atlantique serait entachée d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Si M. B... fait valoir qu'il est parfaitement intégré en France, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et qu'il s'est maintenu en France en dépit d'un précédent arrêté préfectoral du 29 janvier 2015 refusant de lui accorder un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. M. B... se prévaut par ailleurs de ce qu'il réside en France depuis 2012, soit depuis sept années à la date de la décision contestée, mais il n'établit pas y avoir séjourné de façon continue entre 2012 et la fin de l'année 2014 et il y séjourne irrégulièrement depuis le 29 janvier 2015. M. B... ne justifie par ailleurs d'aucune insertion effective ni de la réalité et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français depuis 2012. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreurs de fait ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que le moyen tiré du défaut de base légale de la mesure d'éloignement, en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. L'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré de l'illégalité, par la voie de l'exception, de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. B...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Pronost et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
Le rapporteur,
J.-Y. GUÉGUEN Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02808