Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Beguin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 21 juillet 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal a omis d'examiner l'un des moyens soulevés et a opéré une substitution de motif qui n'était pas demandée, dès lors que les premiers juges se sont fondés sur la circonstance qu'il ne justifiait pas d'une autorisation de travail et n'ont pas répondu à ses arguments concernant son absence de détention d'un visa d'entrée et de long séjour sur le territoire français ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;
- le refus de titre de séjour en litige est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun de moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant azerbaïdjanais, né le 9 août 1984, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 25 janvier 2013. Il a été admis au séjour en qualité d'étranger malade du 28 novembre 2013 au 21 mai 2018. Sa demande de régularisation exceptionnelle au séjour, formée le 27 février 2019, a été implicitement rejetée par le préfet du Morbihan. Le 27 novembre 2020, il a, à nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 de ce code. Par un arrêté du 26 mars 2021, le préfet du Morbihan a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Rennes a annulé par un jugement du 15 juillet 2021 cet arrêté au motif qu'il n'avait pas été procédé à un examen de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un nouvel arrêté du 21 juillet 2021, le préfet du Morbihan a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments exposés dans la demande, a apporté une réponse au point 6 de son jugement au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors même que les premiers juges n'ont pas répondu aux arguments du requérant tenant à ce qu'il était dépourvu de visa d'entrée et de long séjour, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'ils ont omis de répondre à l'un des moyens soulevés.
3. Si M. B... soutient, en second lieu, que le tribunal a statué au point 6 de son jugement au-delà des moyens soulevés en défense, en procédant à une substitution de motif qui n'était pas sollicitée par le préfet du Morbihan, il ne ressort pas des pièces du dossier que tel soit le cas, le tribunal, qui a relevé l'entrée irrégulière de l'intéressé, s'étant au contraire limité à répondre à l'un des moyens d'annulation soulevés par le requérant, à partir des seules pièces produites notamment par ce dernier et qui ne comportaient aucune autorisation de travail.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles
L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente :
/ 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".
6. En se bornant à soutenir qu'il a transmis à la préfecture l'ensemble des documents sollicités et notamment le formulaire de demande d'autorisation de travail et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, le requérant ne conteste pas utilement le motif du refus d'admission au séjour au titre des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui tient à l'absence de visa d'entrée et de long séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Enfin, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.(...) ".
8. A la date de l'arrêté contesté, le requérant résidait en France depuis plus de huit ans, sous couvert principalement de titres de séjour en qualité d'étranger malade qui ne lui donnaient pas vocation à rester durablement en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des bulletins de salaire produits, concernant des emplois en intérim pour la période allant d'avril 2014 à avril 2015 en tant qu'ouvrier dans le secteur agro-alimentaire, des relevés de situation établis par Pôle emploi pour la période de janvier à juin 2016 attestant du versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et d'un courrier du 30 juillet 2018 du même établissement lui notifiant une ouverture de droits à l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il y était particulièrement intégré professionnellement. Si l'intéressé se prévaut d'une relation de couple depuis 2014 avec une ressortissante française, la réalité, la durée et l'intensité de cette relation ne sont pas suffisamment étayées par les quelques photographies versées au dossier, alors que le préfet du Morbihan relève, sans être contesté, que le requérant, qui n'a pas d'enfant à charge, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans et qu'il a déclaré lors du dépôt de sa demande d'asile, être marié avec une ressortissante étrangère, résidant en Russie. Dans ces conditions, l'arrêté par lequel le préfet du Morbihan a refusé d'admettre
M. B... au séjour et l'a obligé de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet du Morbihan n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. B.... Pour les mêmes motifs, et en l'absence de motifs humanitaires ou exceptionnels justifiant de régulariser la situation de l'intéressé concernant son séjour sur le territoire français, il n'a pas commis d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2022.
Le rapporteur,
X. CatrouxLe président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT03302