Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2020, Mme A... D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er décembre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans le délai de quinze jours suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté est intervenu en violation des articles 3 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2013 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne eu égard aux défaillances du dispositif d'asile en Espagne ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, attestant d'un défaut d'examen de sa situation, avec un risque de violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est enceinte et qu'elle vit en couple en France ;
- la décision méconnait l'intérêt supérieur de son enfant à naitre ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Espagne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante guinéenne, déclarant être née le 12 mars 1998, serait entrée irrégulièrement en France le 20 février 2020. Elle s'est présentée à la préfecture de la Loire-Atlantique le 10 septembre 2020 pour solliciter le statut de réfugié. Les recherches menées par la préfecture sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'elle avait franchi irrégulièrement la frontière extérieure de l'Espagne moins de douze mois avant son entrée en France. Les autorités espagnoles ont été saisies le 11 septembre 2020 sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 d'une demande de transfert de l'intéressée qu'elles ont expressément acceptée, sur ce même fondement, le 16 septembre suivant. Le préfet de Maine-et-Loire a alors pris à l'encontre de Mme D..., le 17 novembre 2020, la décision de transfert contestée ainsi qu'un arrêté l'assignant à résidence dans ce département pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 1er décembre 2020, dont Mme D... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
En ce qui concerne la décision de transfert :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et de la violation de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, que Mme D... reprend en appel, par adoption des motifs retenus aux points 2 à 5 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
4. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme D... qu'elle a bénéficié le 10 septembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue diakhanké, avec le concours d'un interprète de la société ISM interprétariat et rien n'établit qu'il n'aurait pas été conduit dans des conditions garantissant sa confidentialité. Il n'est pas davantage établi qu'elle n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Enfin dans ce même document elle indique avoir reçu une copie du résumé de cet entretien. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".
6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme D... et des conséquences de son transfert en Espagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile, et qu'il se serait senti lié par les critères de détermination posés par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. D'autre part, s'il est établi que Mme D... est enceinte de deux mois à la date de l'arrêté contesté, les éléments présentés n'établissent pas que son état la placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité au terme d'un examen insuffisant de sa situation.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si Mme D... fait état de sa vie en concubinage à compter de juin 2020 avec M. F... D..., ressortissant guinéen présenté comme le père de son enfant à naitre, les pièces au dossier n'établissent pas une telle situation. Ainsi des documents médicaux d'octobre 2020 indiquent qu'elle est domiciliée chez M. C... à Sablé-sur-Sarthe. Par ailleurs, le préfet soutient en défense, sans être contredit, que M. D... séjourne irrégulièrement en France depuis 2018, après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En dernier lieu, Mme D... ne peut utilement se prévaloir de stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant alors que son enfant n'est pas né à la date de la décision contestée. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
10. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et de l'erreur manifeste d'appréciation résultant d'un défaut d'examen particulier de sa situation, par adoption des motifs retenus aux points 15, 17 et 18 du jugement attaqué.
11. En second lieu, l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert soulevée doit, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 2 à 9, être écartée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03829