3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :
- les dispositions du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement Dublin ont été méconnues ; sur le résumé de l'entretien ne figurent ni la qualité, ni la signature de la personne ayant mené l'examen ; les conditions relatives à la confidentialité de l'entretien ne sont pas justifiées ; alors que l'entretien est une garantie procédurale, il n'est pas établi que ses conditions ont été respectées et qu'il a eu une bonne compréhension du déroulé de l'entretien ; aucune information n'est donnée sur la qualification de l'agent ayant mené l'entretien ; le tribunal a écarté ce moyen en inversant la charge de la preuve puisqu'il appartient à la préfecture de justifier du fait que l'agent ayant mené l'entretien était un agent qualifié ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure et ne repose sur aucun fondement ; au vu de la motivation de l'arrêté, il lui est impossible de comprendre si la décision est prise sur la base d'un accord implicite du 20 novembre 2018 ou sur la base de la validation du 24 janvier 2019, alors qu'il s'agit d'un élément déterminant puisque l'accord des autorités espagnoles fonde la décision et fait courir le délai de six mois de la réalisation du transfert ;
- les dispositions de l'article 17 du règlement Dublin ont été méconnues ; il fait l'objet d'un traitement inhumain et dégradant en Espagne où il a été emprisonné trois jours sans aucun soin malgré sa pathologie ; il n'a pu accéder aux conditions matérielles d'accueil ou aux soins en Espagne malgré plusieurs démarches ; il souffre d'une hépatite B chronique prise en charge en France ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures produites devant le tribunal administratif de Nantes.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né en mai 1996, est entré en France en août 2018. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 12 septembre 2018. Par une décision du 8 février 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 8 février 2019 portant transfert auprès des autorités espagnoles et assignation à résidence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A... soutient que le premier juge aurait commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve en ce qui concerne l'appréciation du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ce moyen procède, toutefois, d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Il doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
4. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 12 septembre 2018, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre. Il n'est pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. D'autre part, le fait que l'entretien individuel n'aurait duré qu'une quinzaine de minutes ne suffit pas à démontrer qu'il ne se serait pas tenu dans des conditions conformes aux exigences de l'article 5 précité. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". L'article 29 du même règlement dispose que " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté par M. A... que le préfet de la Loire-Atlantique a demandé aux autorités espagnoles de le prendre en charge le 19 août 2018. En application des dispositions, citées ci-dessus, du paragraphe 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de deux mois a donné naissance à un accord tacite des autorités espagnoles, entrainant l'obligation de prendre en charge M. A.... La circonstance qu'ultérieurement, le 24 janvier 2019, les autorités espagnoles ont confirmé leur accord n'est pas de nature à modifier la date d'accord de ces autorités telle qu'elle découle des dispositions du paragraphe 7 de l'article 22 du règlement (UE) du 26 juin 2013. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles est entaché d'un vice de procédure et ne " repose sur aucun fondement ".
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
8. Si l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
9. Si M. A... fait valoir qu'il se trouverait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France dès lors qu'il est atteint d'une hépatite B et qu'il n'aurait pas reçu de soins lors de son passage en Espagne, les éléments médicaux produits, qui font état d'un traitement antalgique et d'un suivi biologique tous les six mois, ne permettent pas de considérer qu'à la date de l'arrêté litigieux, M. A... puisse être regardé comme établissant présenter une affection physique particulièrement grave pour laquelle un transfert vers l'Espagne aurait comporté un risque réel et avéré de détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, constitutif d'un traitement inhumain ou dégradant. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
10. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
11. Il résulte des points 3 à 9 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 8 février 2019. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 25 octobre 2019.
La rapporteure,
M. C...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01403