3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de la Loire-Atlantique d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- il n'est pas établi que la minute du jugement était signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué a omis de répondre aux moyens qui n'étaient pas inopérants tirés de la méconnaissance des articles L. 111-7 et 1° de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 15 et 19 du règlement (CE) n°1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- la décision de remise aux autorités italiennes méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif au droit à l'information, et celles des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de remise aux autorités italiennes méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'entretien individuel et celles de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de remise est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 21 du règlement (UE) n° 604 du 26 juin 2013 ;
- la décision de remise a été prise en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lainé, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant soudanais né le 10 septembre 1993, est entré irrégulièrement sur le territoire français et y a sollicité l'asile, le 21 septembre 2018, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 14 mai 2018. Par deux arrêtés du 8 mars 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa prise en charge, et son assignation à résidence. M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La minute du jugement attaqué a été signée par le magistrat désigné et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement attaqué, pour ce motif, doit être écarté.
3. D'autre part, il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a répondu aux moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 15 et 19 du règlement CE n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et de celles de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux points 6, 11 et 12 du jugement attaqué. Dans ces conditions ce jugement n'est entaché d'aucune omission de répondre à un moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie. En outre, en vertu de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision et font foi sauf preuve contraire.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a reçu, le 21 septembre 2018, date à laquelle il a présenté sa demande d'asile en préfecture de Loire-Atlantique, les informations prévues par les dispositions précitées, dès lors qu'il s'est vu délivrer le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée : " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " en arabe, langue qu'il a déclaré comprendre dès l'instruction de sa demande d'asile et lors de son entretien individuel. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication dans la décision de remise aux autorités italiennes de ce que M. B... comprend l'arabe n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice d'une information complète sur ses droits en qualité de demandeur d'asile. Dans ces conditions, l'intéressé ne saurait soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des articles L. 742-3 et L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'aurait pas indiqué de manière expresse savoir lire la langue arabe.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ". Par ailleurs, l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire ".
7. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel, mené en langue arabe par le truchement d'un interprète de l'organisme d'interprétariat ISM agréé par l'administration, n'a pas privé M. B... de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 21 septembre 2018. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que les moyens tirés de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et, en tout état de cause, de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite (...) ".
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté sa demande d'asile le 21 septembre 2018 et que le préfet de la Loire-Atlantique a consulté le jour même l'unité centrale Eurodac. A la suite de cette consultation, le préfet a, le 28 septembre 2018, adressé une requête aux fins de prise en charge de l'intéressé aux autorités italiennes qui ont implicitement accepté leur responsabilité. D'autre part, aucun élément du dossier ne vient corroborer les allégations de M. B..., selon lesquelles il aurait formulé, avant le 21 septembre 2018, une demande de protection internationale au sens de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
11. M. B... fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, ce dont il résulte selon lui qu'il ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Toutefois, les éléments mis en avant par le requérant quant à la situation dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée en effet à une augmentation substantielle du nombre de demandeurs d'asile, ne permettent pas de démontrer, d'une part, que la demande d'asile ne pourrait être enregistrée et traitée dans ce pays en raison de défaillances structurelles d'un degré tel qu'elles devraient conduire dans tous les cas à reconnaître une défaillance systémique dans la mise en oeuvre de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile et, d'autre part, que son transfert en Italie pour le traitement de sa demande d'asile comporterait, par lui-même, un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme. Par suite doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013
12. Par ailleurs, M. B... qui soutient sans l'établir souffrir de troubles gastriques ne justifie pas que son état de santé le placerait dans une situation d'une particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire en France la demande d'asile de l'intéressé le préfet de la Loire-Atlantique aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire-Atlantique du 8 mars 2019. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2019.
Le président de chambre, rapporteur,
L. LainéL'assesseur le plus ancien
dans le grade le plus élevé,
C. Rivas
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01438