M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes, sous le n° 1709711, d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2017 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur modifiant l'arrêté du 10 août 2017 prononçant son assignation à résidence sur le territoire de la commune d'Angers.
Par un jugement du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT02023 le 18 mai 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2018 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 août 2017 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée par la loi du 20 novembre 2015 car son comportement ne constituait pas une menace pour la sécurité et l'ordre publics et aucun élément objectif ne pouvait justifier une telle mesure ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle ; il est père de quatre enfants dont l'un est âgé de moins de deux ans et présente un état de santé incompatible avec une mesure d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2018.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT02024 le 18 mai 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2018 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 septembre 2017 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'en lui refusant la délivrance d'un sauf conduit pour se rendre à l'audience du juge des référés, le ministre a porté atteinte à son droit à voir sa cause entendue et débattue contradictoirement et commis une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
III. Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT01998 le 17 mai 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2018 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2017 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de présentation quotidienne des services de police à son domicile est disproportionnée compte tenu de son état de santé ; une surveillance à distance aurait été suffisante ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que les visites quotidiennes de la police à son domicile sont traumatisantes pour ses quatre enfants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 ;
- la loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 ;
- la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 ;
- la loi n° 2016-1767 du 19 décembre 2016 ;
- la loi n° 2017-1154 du 11 juillet 2017 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que le domicile situé à Angers de M. C..., ressortissant français né le 19 août 1973, a fait l'objet le 12 juillet 2017 d'une perquisition administrative à la suite de laquelle il a été condamné par le tribunal correctionnel de cette ville, par jugement du 14 juillet 2017, à six mois d'emprisonnement pour détention illicite de produits stupéfiants et infraction à la législation sur les armes. Dès la remise en liberté de l'intéressé, le ministre de l'intérieur, par arrêté du 10 août 2017, l'a astreint à résider sur le territoire de la commune d'Angers, en application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, jusqu'à la fin de celui-ci, mesure assortie d'une obligation de se présenter à l'hôtel de police tous les jours à 10 heures et à 16 heures, d'une interdiction de quitter son domicile tous les jours de 20 heures à 6 heures et d'une interdiction de se déplacer en-dehors de la commune sans avoir obtenu préalablement une autorisation écrite. M. C...a sollicité la délivrance d'un sauf conduit afin de pouvoir se rendre au tribunal administratif de Nantes, le 12 septembre 2017, à 11 h 30, pour assister à l'audience au cours de laquelle devait être examinée sa demande de référé-liberté. Mais, par décision du 11 septembre 2017, le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer ce sauf conduit. A la suite d'une intervention chirurgicale subie par M.C..., le ministre a, par arrêté du 13 octobre 2017, aménagé, du 14 octobre 2017 au 28 octobre 2017 inclus, le régime d'assignation à résidence en prévoyant que la présence de l'intéressé sera contrôlée à domicile tous les jours à 10 heures 30 par les services de police. M. C...fait appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2017, de la décision du 11 septembre 2017 et de l'arrêté du 13 octobre 2017.
2. Les requêtes nos 18NT01991, 18NT01998 et 18NT02023 sont relatives au même requérant et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 18NT02023 :
3. En application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain et prorogé pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015, puis prorogé à nouveau pour une durée de trois mois à compter du 26 février 2016 par l'article unique de la loi du 19 février 2016, pour une durée de deux mois à compter du 26 mai 2016 par l'article unique de la loi du 20 mai 2016, pour une durée de six mois à compter du 21 juillet 2016 par l'article 1er de la loi du 21 juillet 2016 et pour une durée de six mois par l'article 1er de la loi du 19 décembre 2016. L'article 1er de la loi du 11 juillet 2017 a prorogé l'état d'urgence jusqu'au 1er novembre 2017.
4. En vertu de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 20 novembre 2015, l'état d'urgence permet au ministre de l'intérieur de prononcer l'assignation à résidence, dans un lieu qu'il fixe, d'une personne " à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics ". Cet article précise que la personne assignée à résidence " peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures " et que le ministre peut prescrire à cette personne " l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine, et dans la limite de trois présentations par jour ". Il ajoute que la personne assignée à résidence " peut se voir interdire par le ministre de l'intérieur de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ". Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a constaté dans sa décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, M. B... D., il revient au juge administratif de s'assurer que les mesures de police administrative prescrites sur le fondement de ces dispositions sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent.
5. Par un arrêté du 10 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a astreint M. C... à résider sur le territoire de la commune d'Angers jusqu'à la fin de l'état d'urgence, mesure assortie d'une obligation de présentation à l'hôtel de police, deux fois par jour à 10 heures et 16 heures, tous les jours de la semaine, y compris les dimanches, les jours fériés ou chômés, d'une interdiction de quitter le lieu où il réside tous les jours de 20 heures à 6 heures et d'une interdiction de se déplacer en dehors de ce lieu d'assignation sans avoir obtenu préalablement une autorisation écrite.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une perquisition effectuée le 12 juillet 2017 au domicile de M. C...a permis la découverte de produits stupéfiants, d'un chargeur vide de pistolet de type 7,65 mm, de deux drapeaux noirs emblèmes de l'organisation terroriste " Al Qaïda " affichés dans le salon et dans la chambre et d'une photographie où il apparaît index levé vers le ciel, geste aujourd'hui fréquemment utilisé comme un signe d'allégeance à l'organisation terroriste dite " Etat islamique ". M. C...a, par la suite, été condamné le 14 juillet 2017 à six mois d'emprisonnement pour détention illicite de stupéfiants et infraction à la législation sur les armes. Selon une note blanche, précise et soumise au contradictoire, consignant notamment les propos tenus par M. C... au cours de la perquisition, d'une part, celui-ci a minimisé sa pratique religieuse alors qu'à son domicile une horloge réglée sur l'heure de Médine (Arabie Saoudite) avait été découverte de même qu'un DVD et deux ouvrages consacrés à la prière. D'autre part, il a tenu des propos relativisant les agissements de l'organisation terroriste " Al Qaida ", estimant qu'il s'agissait " d'un groupe qui se défend contre l'Occident " et que " le terrorisme a été crée par l'Occident ", en considérant que " les médias et le gouvernement ont inventé les attentats pour avoir une excuse de tuer des musulmans " et en contestant le statut de vraies victimes de ceux qui ont été l'objet des attentats perpétrés en France, faisant ainsi sienne la théorie complotiste. Enfin, il cautionne le fait qu'un certain nombre d'individus rejoignent les rangs de l'organisation " Etat islamique " et il a légitimé le jihad, se disant " prêt à mourir, si c'est pour être près d'Allah ". Les dénégations générales du requérant, qui se bornent à faire valoir qu'il n'a pas tenu ces propos, qu'il n'avait pas compris la symbolique des drapeaux qu'il avait installés dans son appartement et qu'il condamne le terrorisme ainsi que toute forme de violence, ne suffisent pas à contredire les informations circonstanciées contenues dans cette note blanche. La circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une condamnation pénale n'interdisait pas à l'autorité administrative de tenir compte de ces faits pour prendre la mesure litigieuse. Dans ces conditions, notamment compte tenu du contexte où la menace de nouveaux actes terroristes était particulièrement élevée, à la date de l'arrêté contesté, le ministre de l'intérieur, à qui il appartient dans le cadre de la loi du 3 avril 1955 d'assurer la préservation de la sécurité et de l'ordre publics, a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, qu'il existait, au 10 août 2017, des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. C... constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics et a pu, par suite, légalement décider l'assignation à résidence de l'intéressé jusqu'au 1er novembre 2017, date de la levée de l'état d'urgence, sans méconnaître l'article 6 précité de la loi du 3 avril 1955.
7. En second lieu, M. C...soutient que les modalités assortissant la mesure d'assignation à résidence litigieuse, l'obligeant à pointer deux fois par jour à l'hôtel de police d'Angers à 10 heures et à 16 heures, tous les jours y compris dimanches et jours fériés ou chômés et à ne pas quitter son domicile entre 20 h et 6 h, seraient incompatibles avec son état de santé et ses obligations familiales. Toutefois, les documents médicaux produits en première instance, s'ils indiquent que M. C...présente des " douleurs qui gênent la marche et la vie au quotidien " à la suite d'une opération d'une hernie discale effectuée au mois d'avril 2017, ne permettent pas d'établir que son état de santé serait incompatible avec les contraintes qui résultent de l'assignation à résidence dont il fait l'objet. Au surplus, le préfet de Maine-et-Loire lui a accordé, le 29 août 2017, un sauf conduit lui permettant de se rendre à une consultation médicale et, le 18 septembre 2017, un second sauf conduit pour bénéficier d'un examen médical. Par un arrêté du 13 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la suite d'une nouvelle intervention chirurgicale subie par le requérant, a aménagé son régime d'assignation à résidence, les services de police contrôlant désormais sa présence à domicile tous les jours à 10 heures 30. Si M. C...fait valoir qu'il est père de quatre enfants et, sans autre précision, que la mesure d'assignation ne lui permet pas d'assumer son rôle de père de famille, il ne conteste pas que trois des quatre enfants sont majeurs et ne démontre pas avoir seul la charge de son enfant en bas-âge. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.
Sur la requête n° 18NT02024 :
8. Par décision du 11 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a refusé de délivrer à M. C... un sauf conduit afin que ce dernier puisse se rendre au tribunal administratif de Nantes, le 12 septembre 2017, à 11 h 30, pour assister à l'audience au cours de laquelle devait être examinée sa demande de référé-liberté.
9. Au soutien des moyens tirés de ce que le ministre a porté atteinte à son droit à voir sa cause entendue et débattue contradictoirement et commis une erreur manifeste d'appréciation, M. C... ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant les premiers juges ni ne critique utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
Sur la requête n° 18NT01998 :
10. Par un arrêté du 13 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la suite de l'intervention chirurgicale subie par M.C..., a aménagé, du 14 au 28 octobre 2017 inclus, son régime d'assignation à résidence prévu par l'arrêté du 10 août 2017, les services de police contrôlant sa présence à son domicile tous les jours à 10 heures 30.
11. M. C...reprend en appel, sans plus de précisions ou de justifications, les moyens soulevés en première instance, tirés du caractère disproportionné de l'obligation de présentation des services de police à son domicile et de l'erreur d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 18NT02023, 18NT02024 et 18NT01998 de M. C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
Le président de chambre, rapporteur,
L. LainéL'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
N. Tiger-WinterhalterLe greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 18NT01998, 18NT02023 et 18NT020242
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