Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 septembre 2019, les 30 avril et 29 juillet 2020, et les 20 mai et 8 octobre 2021 (ce dernier non communiqué), M. G... C..., M. E... I... C... et Mme F... J... C..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 décembre 2015 de l'autorité consulaire française en Guinée refusant de délivrer à Mme H... C..., M. E... I... C..., Mme F... J... C... et aux enfants mineurs E... B... C... et D... C... des visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés ou de réexaminer les demandes, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- il n'est pas établi que la commission de recours s'est réunie de manière régulière ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est entachée d'erreur dans l'appréciation du lien de filiation, lequel est établi par les documents d'état civil produits, par des éléments de possession d'état et, s'agissant Mme F... C... et des enfants E... B... et D... C..., par les résultats de tests génétiques ordonnés par la juridiction judiciaire ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mars et 7 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 en tant qu'elle refuse de délivrer des visas de long séjour à Mme F... J... C... et aux enfants E... B... C... et D... C... et au rejet du surplus de la requête, s'agissant de M. E... I... C....
Il soutient que des visas de long séjour ont été délivrés à Mme F... J... C... et aux enfants E... B... C... et D... C... et qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé, s'agissant des conclusions restant en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Pollono, pour les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. Par le jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours du 14 avril 2016 en tant qu'elle refusait de délivrer le visa de long séjour demandé à Mme H... C... et rejeté le surplus des conclusions de la requête, présentées au bénéfice des enfants allégués de M. G... C.... Ce dernier, ainsi que M. E... I... C... et Mme F... J... C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il rejette leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 en tant qu'elle refuse de délivrer à M. E... I... C..., à Mme F... J... C... et aux enfants mineurs E... B... C... et D... C... des visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 en tant qu'elle refuse de délivrer à Mme F... J... C... et aux enfants mineurs E... B... C... et D... C... des visas de long séjour :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution.
3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné, à la demande de M. G... C..., une expertise génétique sur lui-même et sur Mme F... C... et les enfants E... B... C... et D... C.... Les tests génétiques réalisés ayant permis d'établir un lien de filiation entre M. G... C... et les intéressés, le ministre de l'intérieur a décidé de délivrer les visas de long séjour sollicités par Mme F... C... et pour les enfants E... B... C... et D... C... et a produit les vignettes des visas, délivrés le 18 septembre 2020. Il suit de là qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 en tant qu'elle a refusé de délivrer des visas de long séjour à Mme F... J... C... et aux enfants mineurs E... B... C... et D... C....
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à M. E... I... C... :
4. La décision contestée est fondée sur ce que l'acte de naissance de M. E... I... C... n'est pas conforme à la législation guinéenne et comporte des incohérences et des invraisemblances factuelles qui lui ôtent tout caractère probant.
5. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger (...) qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...) ".
6. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
7. A l'appui de la demande de visa présentée pour M. E... I... C..., a été produit un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 16 mars 2015 par le tribunal de première instance de Conakry. Si le ministre de l'intérieur soutient que cette juridiction n'était pas compétente, au regard du droit guinéen, pour se prononcer sur l'état civil de l'intéressé, né à Pita, ville distante d'environ 300 kilomètres de Conakry, la circonstance, à la supposer avérée et qu'il revient aux autorités judiciaires locales d'apprécier, que cette juridiction se serait méprise sur sa compétence ne permet pas, par elle-même, d'établir le caractère frauduleux de ce jugement supplétif, qui n'est pas autrement démontré par le ministre. Dans ces conditions, le lien de filiation de M. E... I... à l'égard de M. G... C... doit être tenu pour établi par ce jugement. par voie de conséquence, en retenant que le lien de filiation n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que M. G... C... et M. E... I... C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. E... I... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ce visa à l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. G... C... et M. E... I... C... A... la somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 en tant qu'elle refuse de délivrer à Mme F... J... C... et aux enfants mineurs E... B... C... et D... C... des visas de long séjour.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 décembre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du refus de visa de long séjour opposé le 14 avril 2016 par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à M. E... I... C....
Article 3 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 avril 2016 est annulée en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. E... I... C... un visa de long séjour.
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. E... I... C... un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. G... C... et à M. E... I... C... la somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à M. E... I... C..., à Mme F... J... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03634