Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, Mme H... et Mme A..., représentées par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702481 du 9 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 1er février 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 octobre 2016 par laquelle l'autorité consulaire française Tananarive (Madagascar) a refusé de délivrer un visa de court séjour pour visite familiale à Mme H... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, à défaut, de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision contestée est fondée sur des faits matériellement inexacts ;
- la commission de recours ne pouvait se fonder sur l'insuffisance des ressources, dès lors que les autorités consulaires n'ont pas opposé un tel motif ;
- elle est entachée d'erreurs dans l'appréciation de ses ressources ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme H..., garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme H....
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée le 3 juillet 2020 par une ordonnance du 8 juin 2020.
Un mémoire, enregistré le 4 février 2021, a été présenté par Mme H... et Mme A... et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du
Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H... est une ressortissante malgache. Le 5 octobre 2016, elle a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour pour rendre visite à sa fille, Mme A..., de nationalité française. Par une décision du 6 octobre 2016, l'autorité consulaire française à Madagascar a refusé de faire droit à la demande. Mme H... et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 1er février 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision. Par un jugement du 9 octobre 2019, le tribunal a rejeté cette demande. Mme H... et Mme A... relèvent appel de ce jugement.
2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 1er février 2017, prise sur recours préalable obligatoire, s'est substituée à la décision consulaire du 6 octobre 2016. Il suit de là que la circonstance que le refus de délivrance de visas opposé par l'autorité consulaire n'était pas fondé sur l'insuffisance des ressources ne fait pas obstacle à ce qu'un tel motif de refus de visas soit ensuite opposé par la commission de recours.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée d'une part, sur l'absence de ressources suffisantes de l'intéressée pour subvenir à ses besoins pendant la durée de son séjour et, d'autre part, sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense du ministre produit en première instance, que l'administration ne conteste pas que Mme H... justifie de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins pendant la durée de son séjour, dès lors qu'elle a produit une attestation d'accueil visée par le maire de la commune de Monteux où réside sa fille, Mme A..., et l'époux de sa fille, M. D....
5. D'autre part, l'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que suite au décès de son époux, ressortissant français, survenu le 16 janvier 2009, Mme H... a été autorisée à entrer et à séjourner en France jusqu'au 22 septembre 2009, afin d'y déposer et de régulariser une demande d'allocation de veuvage. L'intéressée est retournée dans son pays de résidence le 17 septembre 2009, avant l'expiration du délai qui lui était imparti. Par ailleurs, Mme H... exerce à Madagascar une activité de commerce d'épicerie, au sein de sa propre entreprise créée en 2011, et y a déclaré, pour l'année 2016, un revenu de 3 500 000 ariary, soit environ 765 euros, supérieur au salaire minimum à Madagascar. Toutefois, il est constant que la fille unique de l'intéressée, et son unique petit fils, de nationalité française, résident en France. Il est également constant que Mme H... a demandé, au cours de l'année 2014, un visa de long séjour, en qualité d'ascendant de français à charge, afin de s'établir en France auprès de sa fille, laquelle dispose d'une maison comprenant cinq pièces et de revenus suffisants pour subvenir durablement à ses besoins. Dans ces conditions, en retenant l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fondé sa décision sur des faits inexacts et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.
7. En troisième lieu, Mme H... n'établit pas que sa fille ne pourrait pas lui rendre visite à Madagascar. Dans ces conditions, eu égard à la nature du visa sollicité, la décision contestée ne porte pas à la requérante une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts de cette mesure. Par suite, les moyens, tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la possibilité d'entretenir des relations familiales et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme H... et Mme A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme H... et de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H..., à Mme G... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2021.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04713