Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 décembre 2019, 14 septembre et 9 octobre 2020, le GFA des Trois Venelles, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1700076, 1700701 du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 30 septembre 2016 par laquelle le préfet du Finistère a refusé de faire droit à sa demande du 23 juin 2016 portant modification de l'installation classée pour la protection de l'environnement qu'il exploite sous le régime de la déclaration ainsi que la décision du 13 décembre 2016 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté son recours gracieux ;
3°) d'annuler la décision du 9 novembre 2016 par laquelle le préfet du Finistère a constaté la caducité de l'arrêté du 17 janvier 2012 lui accordant une dérogation de distance d'implantation par rapport aux tiers pour l'extension d'une stabulation des vaches laitières et de bâtiments de stockage ainsi que la décision du 13 décembre 2016 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté son recours gracieux ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il avait intérêt à agir contre les décisions contestées ; d'une part, l'article R. 514- 3-1 du code de l'environnement n'a ni pour objet ni pour effet de lister de manière limitative les requérants ayant intérêt à agir à l'encontre d'une installation classée ; il est propriétaire des biens accueillant les activités classées ; il dispose donc d'un intérêt direct et certain à ce que ces activités classées puissent régulièrement continuer à être exercées dans les bâtiments dont il est propriétaire ; d'autre part, et en tout état de cause, il avait intérêt à agir au sens des dispositions de l'article R. 514- 3-1 du code de l'environnement ; il est un tiers intéressé en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente, dès lors que l'usage et la valeur des bâtiments dont il est propriétaire dépendent de l'exercice régulier de l'activité classée et de son bon fonctionnement ; au demeurant, le recours est présenté par un groupement foncier agricole représenté par M. D..., lequel est exploitant et demandeur de l'autorisation ; une autre interprétation serait contraire aux stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision du 30 septembre 2016 méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que les services de la préfecture n'ont pas adressé à M. D... une demande de pièces complémentaires et que sa demande a fait l'objet d'un refus sans qu'il soit informé du caractère incomplet de son dossier de demande ; sa demande de permis de construire n'avait pas abouti à un refus automatique à la date du 30 septembre 2016 dès lors qu'il avait produit des pièces complémentaires le 19 septembre 2016 en réponse à la demande de pièces qui lui avait été adressée par courrier du 22 juin 2016 reçu le 24 juin suivant ; le délai d'instruction de la demande de M. D... n'a pu commencer à courir qu'à compter de la réception d'un dossier complet, c'est-à-dire à partir du 19 septembre 2016, date à laquelle ses pièces complémentaires ont été reçues ; le préfet du Finistère ne pouvait lui refuser la modification sollicitée au motif que son dossier n'était pas complet dès lors qu'aucune demande de pièce ne lui a été envoyée ;
- la décision du 9 novembre 2016 est illégale en ce que la caducité du permis de construire délivré le 9 juin 2011 n'a pu avoir pour effet d'entraîner la caducité de l'arrêté du 17 janvier 2012, ce dernier arrêté n'ayant pas été pris sur le fondement de ce permis de construire ; les demandes de modification de l'installation classée déposées par M. D... n'ont pas eu pour effet non plus de rendre caduc l'arrêté du 17 janvier 2012 ; la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 512-74 du code de l'environnement, dès lors qu'à la date du 9 novembre 2016, le délai de mise en service était interrompu par l'intervention du recours contentieux d'un tiers contre l'arrêté du 17 janvier 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant le GFA des Trois Venelles.
Considérant ce qui suit :
1. Par un récépissé de déclaration du 25 août 2011, le préfet du Finistère a autorisé le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Trois Venelles à exploiter, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), un élevage bovin de 140 vaches laitières sur le territoire des communes de Poullan-sur-mer et Pouldergat. Par arrêté du 17 janvier 2012, le préfet du Finistère a accordé au GAEC une dérogation de distance d'implantation par rapport aux tiers pour l'extension de la stabulation de vaches laitières et de bâtiments de stockage. L'exploitation a été transférée au nom de l'exploitation individuelle de M. A... D... à compter du 1er novembre 2015. Le 23 juin 2016, M. A... D... a déposé une demande de modification des prescriptions applicables à l'exploitation. Par courrier du 30 septembre 2016, le préfet du Finistère l'a informé qu'à défaut d'avoir produit les compléments d'information demandés, sa demande avait fait l'objet d'un refus implicite à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de sa réception. Par ailleurs, par courrier du 9 novembre 2016 adressé à M. D..., les services de la préfecture du Finistère ont constaté, en application de l'article R. 512-74 du code de l'environnement, la caducité de l'arrêté du 17 janvier 2012 lui accordant une dérogation à la règle de distance d'implantation de 100 mètres par rapport aux tiers en principe applicable à son installation. Le GFA des Trois Venelles, qui vient aux droits de l'EARL des Trois Venelles, propriétaire des immeubles agricoles, a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation des décisions du préfet du Finistère du 30 septembre et du 9 novembre 2016 et de celles rejetant ses recours gracieux. Après avoir joint les requêtes, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande par un jugement du 18 octobre 2019. Le GFA des Trois Venelles relève appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu :
2. Il résulte de l'instruction que le 23 décembre 2016, soit postérieurement aux décisions litigieuses, M. D... a déposé auprès de la préfecture du Finistère une nouvelle déclaration de modification des prescriptions applicables à son installation. Toutefois, et en dépit de ce qu'il n'aurait pas complété son dossier en réponse à la demande de compléments qui lui a été adressée par l'administration, cette circonstance ne rend pas sans objet la requête du GFA des Trois Venelles dirigée contre les décisions des 30 septembre et 9 novembre 2016 par lesquelles le préfet du Finistère a refusé de faire droit à la demande de modification du 23 juin 2016 et constaté la caducité de l'arrêté du 17 janvier 2012, portant dérogation de distance d'implantation par rapport aux tiers pour l'extension de la stabulation de vaches laitières et de bâtiments de stockage. Il suit de là que l'exception de non-lieu opposée par le ministre de la transition écologique ne peut être accueillie.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ". D'autre part, en vertu de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les décisions mentionnées au I de l'article L. 514-6 (...) peuvent être déférées à la juridiction administrative : / -par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai d'un an à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions. (...) / - par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision leur a été notifiée ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques ou morales qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que le GFA des Trois Venelles, personne morale de droit privé dotée d'une personnalité juridique propre et distincte de celle de ses associés, n'est pas titulaire de l'exploitation déclarée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement sur les parcelles dont elle est propriétaire. Dès lors, elle ne dispose pas d'une qualité lui donnant intérêt à agir contre les décisions contestées relevant du régime de police des installations classées, en application des dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que le GFA des Trois Venelles est le seul requérant, ainsi qu'il le soutient lui-même, et en dépit de ce que M. D..., qui le représente, est titulaire de l'exploitation agricole en cause. Le GFA, en sa seule qualité de propriétaire des immeubles agricoles accueillant l'exploitation, n'est pas directement intéressé au projet de M. D... en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente, qui ne résultent d'ailleurs pas de l'instruction, en dépit de ce que l'usage et la valeur de ses bâtiments dépendraient de l'exercice régulier de l'activité classée et de son bon fonctionnement. Par suite, il ne dispose pas d'un intérêt à agir contre les décisions relevant du régime de police spéciale des installations classées qui n'ont pas été prises à son encontre. Dès lors qu'il appartenait à l'exploitant ou demandeur de contester les décisions en litige, les dispositions précitées de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement ne méconnaissent pas le droit à un recours effectif découlant des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de ce qui précède que le GFA des Trois Venelles n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'il ne justifiait pas d'un intérêt à agir à l'encontre des décisions contestées.
Sur frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par GFA des Trois Venelles au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GFA des Trois Venelles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GFA des Trois Venelles et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 5 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2021.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04886