Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2016, M. B...D...et Mme C...D..., représentés par Me Rodrigues, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France portant refus de délivrance du visa sollicité ;
3°) d'enjoindre au ministre de délivrer à Mme D...le visa sollicité sous un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, d'enjoindre à ce même ministre de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Me Rodrigues en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 110 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir le montant correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
M. et Mme D...soutiennent que :
- il appartenait à l'administration de procéder aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère ayant établi les actes d'état-civil dont elle conteste l'authenticité ;
- les résultats des tests osseux pratiqués sur MmeD..., quand bien même ils établiraient la minorité de cette dernière, ne peuvent suffire à remettre en cause les actes et documents d'état-civil qui ont été produits par ailleurs ;
- il appartenait à l'administration d'apporter des éléments de preuve incontestables de ce que les documents produits présentaient réellement un caractère frauduleux ;
- l'Office français de protection contre les réfugiés et apatrides leur a délivré un acte de mariage le 26 octobre 2010 et ce document a la valeur d'un acte authentique ;
- les documents remis à l'administration sont concordants et établissent la réalité de la date de naissance qui figure sur es documents d'état-civil de MmeD... ;
- la seule circonstance que les premiers chiffres qui figurent sur le numéro de la carte d'identité de Mme D...ne correspondent pas à son année de naissance ne peut pas suffire à en inférer l'inauthenticité ;
- il en va de même du caractère tardif de la date d'établissement de l'acte de naissance produit ;
- les tests osseux pratiqués le 15 avril 2012 sur Mme D...présentent un fort degré d'incertitude et ne peuvent pas permettre de fixer avec précision son âge, étant affectés d'une marge d'erreur de plusieurs années ;
- le lien matrimonial les unissant peut être établi à partir des éléments de possession d'état qu'ils fournissent ;
- le refus de délivrer le visa sollicité emporte la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 23 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions lors de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B...D...et Mme C...D...relèvent appel du jugement du 18 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ayant rejeté la demande de visa de long séjour formée pour MmeD... ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date où la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visas : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état-civil. L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays. Le directeur général de l'office authentifie les actes et les documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 : " La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. " ;
3. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, au lendemain de leur publication au Journal Officiel ; qu'il en résulte que, à compter de cette date, les documents établis par le directeur de l'OFPRA en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font foi, en ce qui concerne la procédure de réunification familiale, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue par les articles 303 à 316 du code de procédure civile et en cours d'instance par l'article R. 633-1 du code de justice administrative, qu'elle qu'ait été la date de leur délivrance et sont applicables aux instances en cours concernant les refus de visas opposés au conjoint du défendeur ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces que M.D..., qui a été admis au bénéfice du statut de réfugié, dispose d'un certificat établi le 26 octobre 2010 par le directeur de l'OFPRA faisant état de son mariage avec Mme C...A...le 11 février 2004 à Raniganj Bazar (Bangladesh) ; qu'en l'absence de mise en oeuvre par le ministre de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence des liens matrimoniaux unissant M. D...et MmeA... ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour présentée pour MmeD... ;
Sur les conclusions en injonction :
6. Considérant que le présent arrêt implique, compte tenu de sa motivation, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à MmeD..., dans un délai d'un mois à compter de sa notification, le visa de long séjour sollicité ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant que M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rodrigues, avocat de M.D..., de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1306066 du tribunal administratif de Nantes et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de long séjour de Mme D...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D...le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rodrigues une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B... D..., à Mme C... A...épouse D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 mai 2018.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
H. LENOIRLe greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01331