Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2017, et son mémoire complémentaire enregistré le 4 avril 2018, M.A... C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2017 ;
2°) d'enjoindre au consul de France à Annaba à titre principal de lui délivrer un visa court séjour sous astreinte fixée à 75 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous astreinte fixée à 75 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de mille euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement contesté, qui n'a pas examiné sa situation personnelle, est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen nouveau n'est soulevé en appel et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du conseil du 13 juillet 2009
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Sacher.
1. Considérant que M.C..., ressortissant algérien, relève appel du jugement en date du 1er mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 12 mars 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision consulaire ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison des pouvoirs ainsi conférés à la commission, les décisions par lesquelles elle rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; qu'il en résulte que les conclusions de la requête de M. C...comme l'a déjà relevé le tribunal administratif, doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 12 mars 2015 ;
3. Considérant que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le motifs tiré de ce que l'objet du séjour de
M. C...n'est pas probant, et qu'il existe un risque de voir le visa détourné de son objet ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (C.E.)
n° 562 / 2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 en vigueur à la date de la décision contestée: " Pour un séjour n'excédant pas trois mois (...), les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " ;
5. Considérant que si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce ;
6. Considérant que M. C...fait valoir qu'il a toujours respecté le terme des visas " Schengen " qui lui ont été délivrés depuis 2006 et qu'à l'occasion d'un voyage récent à New-York, il a transité par Paris sans avoir tenté d'émigrer en France ; que, pas plus en appel que devant les premiers juges, il n'est contesté que sa pension de retraite et ses honoraires de consultant à l'institut supérieur de gestion d'Annaba (ISGA) lui procurent un revenu mensuel de 3 200 euros mensuels environ ; qu'en appel, le requérant présente également un relevé de compte faisant apparaître à son crédit la somme de plus de sept millions de dinars ; que M. C...se prévaut en appel non seulement de sa profession de consultant auprès de l'ISGA mais également de la présence de sa femme et de trois de ses fils en Algérie où se situe sa résidence familiale ; que dés lors, le ministre n'établit pas le risque qu'il allègue de détournement à des fins migratoires du visa de court séjour sollicité ; qu'ainsi, en se fondant sur ce motif pour confirmer le refus de l'administration consulaire, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant que, eu égard aux motifs qui le fonde, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C...un visa de court séjour dans un délai de deux mois à compter de sa notification ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais du litige :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 1er mars 2017 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 12 mars 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C...un visa de court séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de mille euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
Le rapporteur,
E. SACHERLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01367