Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai 2018 et le 17 octobre 2018, le préfet du Calvados demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Caen.
Il soutient que :
- il résulte de l'avis du conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France, médecin soumis aux règles déontologiques de sa profession, qu'à la date de la décision contestée, il existait un traitement approprié en Mongolie pour l'asthme ainsi que la possibilité d'un suivi pneumologique ; tous les principes actifs présents dans les médicaments prescrits à l'enfant A...sont disponibles en Mongolie ;
- les éléments issus de la base de données " MedCoi " revêtent un caractère probant ;
- il lui appartenait uniquement d'examiner l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine ;
- il existait donc un traitement approprié en Mongolie pour soigner la pathologie du jeuneA..., de sorte que le requérant ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a bien pris en compte la situation du fils ainé de M.B..., qui bénéficie d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, M. C...B..., représenté par Me Cavelier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet du Calvados ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise sans examen complet de sa situation alors qu'un de ses enfants a obtenu un titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'article 3 du jugement attaqué, qui se prononce sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit en tout état de cause être maintenu.
M. B...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Calvados relève appel du jugement du 13 avril 2018, par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 27 octobre 2017 refusant de délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade à M. C...B..., ressortissant mongol, né le 25 juin 1972 et entré irrégulièrement en France en 2012 et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux demandes de titre antérieures au 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable aux demandes de titre de séjour antérieures au 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence,(...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. M. B...a demandé au préfet du Calvados, le 3 avril 2015, une carte de séjour temporaire pour accompagner son fils malade, A...C..., né le 28 mai 2006, qui souffre de problèmes respiratoires d'origine allergique. Le préfet du Calvados lui a accordé le 10 décembre 2015 une autorisation provisoire de séjour de six mois. L'intéressé a demandé le renouvellement de cette autorisation le 7 juillet 2016. Il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'Agence régionale de santé a rendu sur cette demande, le 1er août 2016, un avis selon lequel l'état de santé du jeune A...nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le traitement approprié n'est pas disponible en Mongolie, son pays d'origine. Le préfet, qui n'a pas suivi cet avis, s'est prévalu de l'avis émis par le médecin conseil de la Direction générale des étrangers en France, selon lequel l'asthme et les troubles respiratoires dont souffre le jeune A...sont couramment traités en Mongolie. Cependant, cet avis émis par courriel en 2016 évoque le cas d'une " ressortissante mongole ", et ne peut donc être transposé à la situation du jeuneA.... Le préfet produit en appel un autre courriel du conseiller santé de la Direction générale des étrangers en France, de 2018, qui indique que tous les médicaments nécessaires au traitement du jeune sont disponibles en Mongolie. Toutefois, il ressort de l'extrait de la base de données MedCoi produit par le préfet lui-même que certains traitements médicamenteux ne sont pas disponibles en Mongolie, à savoir le Formoterol, le Salmeterol, lesquels sont signalés dans le courriel de 2018 du conseiller santé, le Béclometasone ainsi que l'association Formeterol et Budesonide. Par ailleurs, cette base de données ne mentionne pas les molécules Desloratadine, Prednisolone et Levocetirizine dichlorhydratene qui ont été prescrites au jeuneA.... Dans ces conditions, le préfet n'établit pas que le traitement médical nécessité par l'état de santé du jeune A...serait disponible en Mongolie, de sorte que le préfet a fait une inexacte application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. B...l'autorisation provisoire de séjour demandée en qualité de parent d'enfant malade.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Calvados n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté préfectoral du 27 octobre 2017.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Cavelier, avocat de M.B..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Calvados est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Cavelier la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados,
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01832