Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision implicite et la décision du 16 juin 2016 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur sa demande de naturalisation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- si son cousin a usurpé son identité pour exercer un emploi salarié, rien n'établit que ce fait lui serait imputable, la preuve de la complicité n'étant pas apportée ; il a en outre réglé l'impôt sur tous les revenus mis à sa charge au titre de l'activité de son cousin ;
- le fait que deux de ses enfants résident au Mali ne fait pas obstacle à sa naturalisation, d'autant que sa concubine actuelle et trois de ses enfants sont français et résident en France.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 8 août 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à son mémoire en défense produit en première instance et soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... relève appel du jugement du 16 mai 2018, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, ainsi que de la décision du 16 juin 2016, par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.
Sur la légalité de la décision de rejet de la demande de naturalisation de M.E... :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En outre, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. ". Il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la demande. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant. Il peut également prendre en compte toutes les circonstances de l'affaire, et notamment l'intensité de ses attaches en France, y compris de celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande.
3. Pour rejeter la demande de naturalisation de M.E..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur deux motifs, d'une part, le fait qu'il s'est rendu complice d'usage frauduleux de document administratif de 2012 à 2014, d'autre part, le fait que ses enfants mineurs, A...etC..., nés respectivement en 2006 et en 2008, résident à l'étranger.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier et des propres déclarations de M. E... que son cousin a travaillé en France, de 2012 à 2014, avec son propre titre de séjour, ce qui explique que l'administration fiscale ait pu constater une différence significative entre les revenus salariaux de M. E...tels qu'enregistrés par les services fiscaux sur déclaration des employeurs et les revenus imposables mentionnés sur les propres bulletins de paie de M. E...pour les mêmes années. M. E...ne pouvait ignorer cette usurpation de son titre de séjour, ce qu'il ne conteste pas sérieusement. La circonstance que M. E...a payé des impôts sur les revenus ainsi déclarés est sans incidence sur la matérialité des faits ainsi constatés, qui caractérisent bien une complicité d'usage frauduleux de documents administratifs.
5. D'autre part, il n'est pas contesté que deux des enfants mineurs de M.E..., nés en 2006 et 2008, résident au Mali de manière permanente, sans que l'intéressé ait engagé des démarches en vue de leur regroupement familial.
6. Dans ces conditions, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française, a pu retenir ces deux motifs pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. E..., et ce, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, alors même que l'intéressé réside régulièrement en France depuis plusieurs années, vit en concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il a eu trois enfants qui ont eux-mêmes la nationalité française et qu'il occupe un emploi sous contrat à durée indéterminée depuis 2011.
7. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02631