Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mars 2016, 7 mars 2017 et 13 mars 2017, M.B..., représenté par MeF..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 24 juin 2013 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mlle A...B...ou, à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau la demande de visa présentée en sa faveur, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il est démontré qu'il est dans l'intérêt de l'enfant A...B...de venir vivre en France auprès de lui et de sa famille.
Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mars 2016 et 10 mars 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. B...a été enregistré le 13 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., substituant MeF..., représentant M.B....
1. Considérant que par jugement du président de la section des affaires familiales du tribunal de Zemoura (Algérie) du 30 janvier 2013, l'enfant A...B..., ressortissante algérienne née le 10 avril 2012, a été confiée par kafala à M.B..., ressortissant français ; que, par une décision du 26 mars 2013, les autorités consulaires françaises à Oran ont refusé de délivrer un visa de long séjour à la jeune A...; que M. B...relève appel du jugement du 13 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, née le 24 juin 2013, confirmant ce refus ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant que si la signature apposée par M. B...sur son mémoire enregistré le 16 septembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Nantes diffère de celle apparaissant sur sa requête introductive d'instance et sa carte d'identité, cette irrégularité, au demeurant sans incidence sur la recevabilité de cette requête, a été régularisée par l'envoi ultérieur par le requérant d'une copie du mémoire en cause revêtu de sa signature officielle ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à cet égard devant le tribunal administratif doit, dès lors, être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser la délivrance du visa de long séjour sollicité pour l'enfant A...B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les ressources du foyer de M. B... et les conditions d'accueil proposées à l'enfant, estimées insuffisantes ; qu'il ressort toutefois de ces mêmes pièces que le foyer du requérant, composé de son épouse et leurs trois fils, bénéficiait à la date de la décision attaquée d'un revenu mensuel au moins égal à 1 634,41 euros, montant des prestations sociales et familiales dont les intéressés bénéficiaient à divers titres ; que M. B...était, par ailleurs, à la date de la décision attaquée, gérant d'un garage automobile, dont il est par la suite devenu gérant-salarié ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier et notamment du certificat médical établi le 12 septembre 2014 par le DrC..., que le handicap dont souffre MmeB..., épouse du requérant, ne fait pas obstacle à ce qu'elle élève un jeune enfant ; que la famille de M.B..., dont chaque membre a attesté de la volonté d'accueillir la jeuneA..., vivait à la date de la décision attaquée dans un appartement de quatre pièces d'une surface de 73 m2 permettant cet accueil dans des conditions satisfaisantes ; qu'enfin a été produite une inscription pour l'enfant dans une école proche du domicile de M.B... ; que dans ces conditions, c'est au prix d'une erreur d'appréciation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé la délivrance du visa sollicité ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Considérant que le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mlle A...B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2016 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. B...dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Oran refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Mlle A...B...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mlle A...B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2017, où siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00811