Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 septembre 2018 et le 3 mai 2019, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 avril 2018 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire et fixe le pays le renvoi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1. 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français
- la décision litigieuse a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal administratif a insuffisamment instruit le dossier en s'abstenant de demander au préfet du Calvados de produire le procès-verbal de l'entretien du 28 février 2018 auquel il avait été convoqué ;
- le préfet ne rapporte pas la preuve que l'absence de contacts avec son fils depuis le départ de Mme D...est de son fait ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son fils ;
- il doit être réputé avoir contribué à l'entretien et à l'éducation de son enfant français jusqu'à la rupture de la vie commune par son conjoint ;
- il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis le départ de son conjoint du domicile conjugal ;
- il exerce régulièrement le droit de visite que le juge des affaires familiales lui a accordé ;
-il participe à l'élaboration du diagnostic de la maladie qui a frappé son fils en mai 2018 ;
- les lettres que son conjoint a envoyé au préfet comportent de multiples inexactitudes et étaient exclusivement destinées à lui nuire ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 3 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination
- la décision litigieuse a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision litigieuse est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant marocain, est entré en France en janvier 2016 sous couvert d'un visa de long séjour obtenu du fait de son mariage au Maroc, le 7 août 2015, avec MmeE..., ressortissante française. Il s'est ensuite vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable du 24 décembre 2016 au 23 décembre 2018. Il a été informé le 7 mars 2018 de l'engagement d'une procédure de retrait de ce titre de séjour, du fait de la rupture de la vie commune avec son épouse française depuis le mois de juillet 2017. Le préfet du Calvados, par arrêté du 17 avril 2018, a prononcé le retrait du titre de séjour de M.A..., lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite. M. A...relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de son éventuelle reconduite.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire
2. En premier lieu, aux termes du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M.A..., MmeE..., a quitté le domicile conjugal dans le courant du mois d'août 2017 en emmenant avec elle l'enfant né le 14 octobre 2016 de sa relation avec l'intéressé. M.A..., par les pièces qu'il a produites pour la première fois en appel, démontre avoir cherché à continuer à contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant mais en avoir été empêché en raison de l'animosité de Mme D...à son égard. L'intéressé a en effet cherché, en vain, de septembre à décembre 2017, à lui envoyer de l'argent et M. A...a reçu des menaces de la part des frères de MmeE.... Il ressort également des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, les décisions prises par le juge des affaires familiales lors de l'audience de non-conciliation du 8 mars 2018 n'avaient pas encore pu produire d'effets, alors même que le juge a accordé à M. A...un droit de visite à son fils, celui-ci n'étant devenu effectif qu'au mois de mai suivant, son droit de visite devant s'effectuer dans un lieu neutre, prenant la forme d'un centre familial et s'intégrant dans un planning. M.A..., même si ces faits sont postérieurs à la décision attaquée, s'acquitte de ce droit de visite, lequel a été décidé antérieurement à l'arrêté du préfet. Il remplit également les obligations alimentaires qui ont été fixées par le juge aux affaires familiales. Il ressort également des pièces du dossier que M. A...n'a été informé de la teneur des courriers adressés au préfet par Mme D...les 11, 21 et 22 août 2017 ainsi que les 2 octobre 2017 et 19 février 2018 qu'à l'occasion du débat contentieux de première instance et n'était pas en mesure, lors de l'entretien auquel il a été convoqué en préfecture le 28 février 2018, de répondre aux diverses accusations qu'ils contenaient, alors que Mme D...a elle-même été reçue en entretien par le même agent que celui ayant entendu M.A..., le compte-rendu de l'entretien avec
M. A...se limitant pourtant aux seules déclarations de ce dernier. La véracité des diverses observations des courriers de Mme D...que mentionne l'arrêté litigieux ne peut, dans ces circonstances, être regardée comme établie. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. M.A..., par suite, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. Dès lors que l'obligation de quitter le territoire français opposée à M. A...est illégale, ce dernier est fondé à soutenir que la décision fixant le pays de son renvoi est privée de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes d'annulation de cette décision.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 17 avril 2018 du préfet du Calvados est annulé en tant qu'il fait obligation à M. A...de quitter le territoire français et fixe le pays de destination de sa reconduite.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 10 juillet 2018 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions en annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de M.A....
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B...A..., au préfet du Calvados et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 4 juin 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03504