Par un jugement n° 1111519 du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 22 décembre 2014 et le 4 septembre 2015, MmeC..., représentée par Me Dos Reis, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 mai 2014 ;
2°) d'annuler la décision de rejet de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre aux autorités consulaires françaises au Maroc de délivrer le visa sollicité sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat français aux entiers dépens.
Mme C...soutient que :
- elle est en mesure de subvenir aux besoins de son frère lors de son séjour en France, disposant d'un emploi régulier lui procurant des ressources suffisantes ;
- le motif de refus qui lui a été opposé est sans fondement ;
- la garde de son frère lui a été confiée par acte de kafala du fait de l'impossibilité pour sa mère d'y subvenir ;
- elle assumait déjà financièrement cette charge depuis plusieurs années ;
- elle dispose d'un logement suffisamment grand pour pouvoir accueillir son frère dans de bonnes conditions ;
- l'intérêt supérieur de son frère mineur est qu'il la rejoigne dès lors qu'il ne peut bénéficier au Maroc de conditions comparables à celles qui lui seraient offertes en France, notamment pour poursuivre ses études ;
- la situation de son frère et la sienne ont été mal appréciées ;
- il est porté une atteinte disproportionnée au respect de leur droit à mener une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite née le 1er octobre 2011 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France portant rejet du recours formé contre la décision refusant de délivrer un visa à son frère Saïd alors mineur ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement rendu le 21 février 2011 par le tribunal de première instance de Casablanca que Mme C...a recueilli un de ses frères cadets, Saïd, né le 31 juillet 1993, dans le cadre d'une " kafala adoulaire " ;
4. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, ainsi que sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;
5. Considérant que les effets des actes dits de " kafala adoulaire " sur le transfert de l'autorité parentale sont variables ; que le juge se borne à homologuer les actes dressés devant notaire ; que, dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle " kafala " ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas ; qu'il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'exigence définie par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que MmeC..., fonctionnaire territoriale résidant seule à Illzach, où elle dispose d'un appartement de trois pièces, disposait, à la date de la décision attaquée d'un revenu mensuel s'élevant à 1 201 euros, son loyer s'élevant par ailleurs à 430 euros ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Saïd, qui aurait eu 18 ans quelque jours seulement après le dépôt de la demande de visa le concernant, a toujours vécu au Maroc en compagnie de sa mère, veuve depuis 1998, et de ses frères et soeurs ; que si la circonstance que Mme C...envoie régulièrement de l'argent à sa famille depuis son entrée en France n'est pas contestée, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier qu'elle ait noué une relation personnelle particulière avec Saïd, dont elle ne démontre pas avoir effectivement contribué à son éducation, ni même l'avoir revu depuis son départ du Maroc ; que si la famille B...a déclaré ne pas pouvoir assumer le coût de son éducation, notamment en raison de la mauvaise santé de sa mère, cette circonstance n'avait jusqu'alors pas fait obstacle à ce que Saïd vive avec sa famille ; que, comme il a déjà été dit, aucune démonstration n'est apportée du caractère étroit qui, au-delà du lien familial, unirait Mme C...à son plus jeune frère dont elle a vécu séparé depuis plusieurs années ; que dans ces conditions, en estimant que l'intérêt supérieur de Saïd était de demeurer au Maroc où il a toujours vécu, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a ni entaché sa décision d'erreur d'appréciation, ni méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité dans le délai de trente jours sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre des dépens :
9. Considérant que ces conclusions particulières de MmeC..., qui ne fait état d'aucun dépens en dehors de ses frais d'avocat, alors même qu'elle n'a déposé aucune conclusion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent, en l'absence de précision suffisante, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03303