Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2017, M. D...A...et Mme B...C..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 12 février 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au consul général de France de délivrer à leurs enfants le visa sollicité dans un délai de 20 jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le système d'état civil en Haïti fait face à de nombreux dysfonctionnements ;
- les actes d'état civil de leurs deux enfants ont été dressés dans le respect des règles de forme exigées par le droit haïtien, ils sont donc conformes à la loi haïtienne et leur permettent de justifier du lien de filiation entre leurs enfants et eux ; c'est en toute bonne foi qu'ils ont présenté leurs actes de naissance ; s'ils ont fait enregistrer en cours de procédure des modifications afin d'obtenir de nouveaux actes de naissance conforme, cela ne révèle aucune fraude ; en outre Mme B...C...est entrée en France en 2004 et non en 2001 ; elle résidait donc en Haïti jusqu'en 2004 ;
- la possession d'état est suffisamment établie par des versements d'argent réguliers effectués entre 2014 et 2016 en faveur du frère de MmeC... ; ils ont déclaré leurs enfants dès 2012 ; la rareté des voyages effectués s'explique par le coût élevé des billets d'avion ;
- la décision de la CRRV porte une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...et Mme C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- et les observations de MeE..., représentant M. A...et MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...et Mme C...interjettent appel du jugement du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur demande de visa de long séjour en faveur de leurs deux enfants allégués, Marckenley A...et JessicaA....
2. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il ressort des pièces du dossier que, s'agissant de MarckenleyA..., né le 20 avril 1998, les requérants ont produit un acte de naissance n° 751 dressé dans les registres des archives nationales le 28 novembre 2003 et un acte de naissance n° 74 dressé dans les mêmes registres le 9 septembre 2014, suite à l'intervention d'un jugement du 10 février 2014 ; s'agissant de JessicaA..., née le 27 janvier 2003, ont été produits un acte n° 888 dressé le 31 décembre 2009 dans les registres des archives nationales, sur transcription d'un jugement du 10 août 2009, et un acte n° 108 dressé dans les mêmes registres le 17 janvier 2014, suite à l'intervention d'un jugement du 10 janvier 2014. Ces actes de naissance comportent, pour chaque enfant visé, des indications différentes s'agissant du numéro de l'acte, de l'heure de naissance et de la domiciliation de MmeC.... En outre, le premier acte de naissance de Marckenley A...a été dressé tardivement le 28 novembre 2003 soit, contrairement aux dispositions de l'article 55 du code civil de la république d'Haïti, plus d'un mois après la date de naissance et plus de deux ans après l'expiration de ce délai d'un mois. En présence de ces contradictions, les requérants se bornent à indiquer que les nouveaux actes ont été établis en raison des irrégularités, qu'ils ne précisent pas, des premiers actes, afin d'obtenir de nouveaux actes conformes à la législation, et que la fraude ne peut être retenue à leur égard. Dans ces conditions, alors même que Mme C...résiderait en France depuis 2004 et non depuis 2001, le lien de filiation des requérants avec les enfants Marckenley et Jessica ne peut être regardé comme établi par les actes produits.
5. Par ailleurs, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'existence d'une possession d'état que les requérants reprennent en appel sans apporter de précisions nouvelles. Les copies de versements d'argent effectués en 2017 et en 2018, postérieurement à la décision contestée de la CRRV, n'établissent pas davantage l'existence d'une possession d'état à la date de cette décision.
6. Enfin, le lien de filiation allégué entre les requérants et les enfants Marckenley et Jessica n'étant pas établi, les moyens tirés de la violation du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'intérêt supérieur des enfants protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2018.
L'assesseur le plus ancien,
A. MONY
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02074