Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 août 2017 et 10 septembre 2018, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 18 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Orne du 26 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale, ou de réexaminer sa situation, dans un délai de deux semaines à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à MeC..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant interdiction de retour en France de deux ans est insuffisamment motivée ;
- elle est disproportionnée et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2018, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Picquet.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A..., ressortissante algérienne née en février 1977, s'est mariée en Algérie, le 6 février 2013, avec un ressortissant français puis est entrée en France le 30 novembre 2013. Elle a obtenu un titre de séjour en tant que conjoint de français, valable du 27 janvier 2014 au 26 janvier 2015. En décembre 2014, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le divorce ayant été prononcé le 27 août 2015, le préfet de l'Orne a, par arrêté du 3 décembre 2015 dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal de Caen et la cour administrative d'appel de Nantes, refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire. Mme A...s'étant maintenue sur le territoire, le préfet de l'Orne a, par arrêté du 26 avril 2017, obligé l'intéressée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, obligation assortie d'une interdiction du territoire français pendant une durée de deux ans. Mme A...relève appel du jugement du 18 juillet 2017 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire française :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si Mme A...fait valoir que son compagnon, avec qui elle a eu un enfant né le 12 janvier 2017, bénéficie d'une carte de résident de dix ans, les éléments qu'elle produit, en particulier les documents médicaux et attestations, rédigées de manière stéréotypée, et la facture d'électricité et l'attestation de la caisse d'allocations familiales, postérieures à la décision attaquée, ne sont pas suffisants pour établir la réalité de la communauté de vie dont il est constant qu'elle est très récente. Mme A...ne produit en outre aucun élément de nature à établir, d'une part, l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec son compagnon, d'autre part, que le père de son enfant participe à l'entretien de ce dernier. Ainsi compte tenu du caractère récent de la vie commune alléguée et des conditions de séjour de Mme A...en France où elle ne réside que depuis novembre 2013, le préfet de l'Orne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l' enfants doit être une considération primordiale. ".
5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le compagnon de Mme A...participe effectivement à l'entretien de son enfant né le 12 janvier 2017. La seule circonstance que Mme A...et le père de son enfant ne soient pas de la même nationalité ne suffit pas à établir que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de France. Dans ces conditions, le préfet de l'Orne n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant interdiction du territoire français :
6. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
7. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
8. Il ressort de l'arrêté attaqué, qui vise les textes applicables, que, pour prendre à l'encontre de Mme A...une interdiction de retour du territoire français d'une durée de deux ans, le préfet s'est fondé sur le fait que l'intéressée n'avait pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire dans le délai imparti, qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire, qu'elle était divorcée, sans attaches familiales en France et qu'elle ne justifiait pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle avait vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et où résident ses frères et soeurs. Ainsi, l'interdiction de retour sur le territoire français comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et ne saurait être regardée comme insuffisamment motivée.
9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France seulement en 2013. Elle a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle n'a pas exécutée. Son enfant est né récemment en France. Dans ces conditions, et alors même que sa présence en France ne représenterait pas de menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour prononcée à son encontre pour une durée de deux ans n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Degommier, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02582