Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 septembre 2017 et le 18 juillet 2018, la commune d'Ergué-Gabéric, représenté par la Selarl Le Roy Gourvennec Prieur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2017 ;
2°) de rejeter le déféré du préfet ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Ergué-Gabéric soutient que :
- le certificat d'urbanisme positif délivré le 23 novembre 2013 au pétitionnaire a cristallisé à son profit les règles d'urbanisme alors applicables ; le tribunal administratif a méconnu la portée des droits acquis attachés à ce certificat d'urbanisme, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ;
- la demande d'autorisation de construire déposée après l'obtention d'un certificat d'urbanisme s'apprécie au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de délivrance du certificat ;
- la possibilité de surseoir à statuer sur une demande d'autorisation de construire constitue une simple faculté pour l'administration ;
- la présence de cette mention sur le certificat d'urbanisme fait grief et constitue un élément divisible du reste du certificat dont la légalité peut être contestée ;
- l'utilisation du sursis à statuer doit par ailleurs être motivée et aucun sursis à statuer ne pouvait être opposé en l'espèce faute d'une telle motivation dans le certificat d'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens d'annulation soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune d'Ergué-Gaberic.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...a obtenu le 13 novembre 2013 du maire de la commune d'Ergué-Gabéric (Finistère) trois certificats d'urbanisme déclarant réalisable la division en trois lots à bâtir de la parcelle cadastrée section E n° 370 lui appartenant, alors classée en zone Nac constructible du plan d'occupation des sols en vigueur. La commune d'Ergué-Gabéric a approuvé le 27 janvier 2014 un nouveau document local d'urbanisme classant ce terrain en zone Ah, où les nouvelles constructions à usage d'habitation ne sont pas autorisées. Mme A...a déposé le 27 mars 2015 une déclaration préalable en vue de la division de son terrain. Le maire de la commune, par arrêté du 21 avril 2015, ne s'est pas opposé à cette déclaration. Le préfet du Finistère, agissant dans le cadre de son pouvoir de déféré, a demandé le 22 mai 2015 au maire de procéder au retrait de cet arrêté, demande qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Le préfet du Finistère a alors déféré cette décision au tribunal administratif de Rennes. La commune d'Ergué-Gabéric relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif a fait droit au déféré du préfet et annulé l'arrêté du 21 avril 2015.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 111-7 alors applicable du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 111-9 et L. 111-10 du présent titre, ainsi que par les articles L. 123-6 (dernier alinéa), L. 311-2 et L. 313-2 (alinéa 2) du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. ".
3. Aux termes de l'article L. 123-6 alors applicable du code de l'urbanisme : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ".
4. Aux termes de l'article L. 410-1 alors applicable du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ;b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code. ".
5. Aux termes de l'article A. 410-4 du même code : " Le certificat d'urbanisme précise : (...) e) Si un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis (...) ".
6. Il résulte en premier lieu des dispositions précitées que le certificat d'urbanisme délivré sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Parmi ces règles, figure cependant la possibilité, lorsque les conditions posées par l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme sont remplies, d'opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Lorsque le plan en cours d'élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur, les dispositions du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.
7. Il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme délivré le 13 novembre 2013 à Mme A...comporte la mention de ce que l'élaboration d'un nouveau plan local d'urbanisme avait été prescrite par délibération du 24 septembre 2012 et qu'un sursis à statuer pouvait ainsi être opposé à une future déclaration préalable de l'intéressée. Le nouveau document local d'urbanisme a par ailleurs été approuvé le 27 janvier 2014, et classe désormais en zone Ah, où les nouvelles constructions à usage d'habitation sont interdites, le terrain de l'intéressée. Il appartenait ainsi à la commune, en raison du principe précédemment rappelé, de s'opposer à la déclaration de MmeA..., alors même que celle-ci a été présentée, le 27 mars 2015, dans le délai de dix-huit mois prévus par l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce terrain était, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, encore classé en zone Nac constructible.
8. En second lieu, dès lors qu'il appartenait à la commune de s'opposer à la déclaration de MmeA..., en application des dispositions du nouveau plan local d'urbanisme, adopté par délibération du 27 janvier 2014, la commune ne peut utilement se prévaloir de ce que le sursis à statuer ne constitue qu'une faculté.
9. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la commune d'Ergué-Gaberic, aucune exigence particulière de motivation ne s'attache au fait d'indiquer sur un certificat d'urbanisme la possibilité dont dispose une collectivité de surseoir à une déclaration préalable ou à une demande de permis.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Ergué-Gabéric n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 21 avril 2015.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune demande au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Ergué-Gabéric est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ergué-Gabéric, au ministre de la cohésion des territoires, et à Mme B...A....
Copie en sera adressée, pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2018.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02757