1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 5 juillet 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 février 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du CESEDA et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2019, le préfet du Calvados conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant demandé par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit minoré.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance ainsi qu'au jugement attaqué.
Par une décision du 10 octobre 2018, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 12 décembre 1999, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2015, à l'âge de 15 ans. Il a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance par le département du Val d'Oise à partir du 6 janvier 2016. Il a présenté le 26 mai 2016 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 février 2018, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 5 juillet 2018, le tribunal a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., désormais majeur, a effectivement été pris en charge après son entrée en France en tant que mineur isolé le 6 janvier 2016 par un service d'aide sociale à l'enfance. M. B... préparait à compter de septembre 2016, dans le cadre d'une formation en apprentissage, un CAP d'agent polyvalent de restauration. Il a obtenu, pendant l'année 2016-2017 puis au 1er semestre de l'année 2017-2018, une moyenne d'environ 14/20. Le rapport de la structure d'accueil, l'association l'Escale, indique que, lors de l'année 2017-2018, M. B... a montré de réels efforts pour progresser dans ses études en CAP, qu'il a d'ailleurs finalement obtenu postérieurement à l'arrêté attaqué. Le caractère réel et sérieux du suivi de la formation n'est d'ailleurs pas contesté par le préfet. Ce dernier fait valoir que la mère de M. B..., qui réside au Mali, a financé son départ. Cependant, cette seule circonstance n'établit pas que l'intéressé ne remplit pas les critères posés par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que M. B... soutient sans être utilement contredit qu'il n'entretient plus aucun lien avec sa mère depuis plusieurs mois, ce qui est corroboré par le rapport de la structure d'accueil ne mentionnant pas de maintien des liens familiaux, et que son beau-père le violentait. En outre, il n'est pas contesté que son père est décédé. Il n'est ni établi ni même allégué par le préfet que M. B... constituerait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que le préfet du Calvados, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. La décision de refus de séjour prise à son encontre est ainsi entachée d'illégalité.
5. La décision de refus de séjour étant annulée, les décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 19 février 2018.
Sur les conclusions à fin injonction sous astreinte :
6. Le présent arrêt, qui annule le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à M. B..., implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet procède à la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 5 juillet 2018 et l'arrêté du préfet du Calvados du 19 février 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de procéder à la délivrance du titre de séjour sollicité par M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 novembre 2019.
Le rapporteur,
P. D...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03354