Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 20 octobre 2015 et la décision implicite du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui accorder la nationalité française ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, que son activité en qualité de chauffeur à l'ambassade d'Algérie n'implique pas un lien particulier envers son pays d'origine et n'est pas incompatible avec le lien d'allégeance à la France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier, été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 18 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne du 20 octobre 2015 rejetant sa demande de naturalisation et de la décision implicite du ministre de l'intérieur, à laquelle s'est substituée la décision explicite du 3 mars 2017, rejetant le recours préalable présenté contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale du 20 octobre 2015 et de la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur :
2. Il résulte, d'une part, des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993, ainsi que l'a relevé le tribunal, que les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées. Par suite, la décision ministérielle du 3 mars 2017 s'est substituée à la décision préfectorale du 20 octobre 2015 et c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de cette dernière décision.
3. D'autre part, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre pendant quatre mois sur le recours de M. B...doivent être regardées comme dirigées contre la décision expresse du 3 mars 2017.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 3 mars 2017 :
4. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les liens particuliers unissant le postulant à un Etat ou une autorité publique étrangère.
5. Il ressort des pièces du dossier et de ses propres déclarations que M. B...est employé par l'ambassade d'Algérie à Paris en qualité d'agent contractuel dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 2 janvier 2008, et que son activité professionnelle implique que ses revenus proviennent de l'Etat algérien alors même qu'ils seraient imposés en France. Eu égard à l'existence de ce lien particulier unissant encore l'intéressé à l'Etat de son pays d'origine, et alors même qu'il vit depuis plus de dix ans sur le territoire national où il est propriétaire d'un bien immobilier, que son épouse et ses enfants ont la nationalité française, qu'il adhèrerait aux valeurs essentielles de la République française, le ministre a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de ce lien particulier, estimer qu'il n'était pas opportun d'accéder à la demande du postulant, et rejeter pour ce seul motif sa demande de naturalisation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT03889